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Après « Réussir sa mort », le philosophe Fabrice Hadjadj veut aujourd’hui nous préparer joyeusement à la mort commune, car celle-ci sera d’abord une libération avant d’être une fin. Jamais l’humanité n’a eu un si vif pressentiment de sa finitude, d’autant qu’il lui est désormais techniquement possible de se suicider : c’est un sujet dont les philosophes doivent s’emparer, si morbide puissent-ils sembler de prime abord.

« J’ai très vite aimé des auteurs durs et violents. J’étais un fils de mon temps marqué par la télévision, par une culture profondément athée. J’avais le sentiment très aigu – chez moi cela avait atteint la conscience – que l’espèce humaine était une espèce finie. » Comme Hésiode, qui déjà regrettait l’âge d’or et annonçait celui de fer, et tant d’autres avant lui, Fabrice Hadjadj est faible d’un constat : le monde se meurt. Et il se meurt peut-être depuis le début.

Ce livre dessine traits après traits le triste visage de notre siècle. Un siècle perdu au milieu de nulle part. Fabrice Hadjajd dénonce la « biologisation de la mémoire » : « Les enfants ne connaissent plus grand-chose des rois de France, mais ils sont passionnés par le pithécanthrope et le tyrannosaure ». Arrimée à l’âge préhumain des dinosaures, notre époque se projette aussi dans un futur posthumain. Fabrice Hadjadj souligne d’ailleurs avec force la différence entre le futur et l’avenir. Le premier est du côté du « prévisible et du planifiable », le second, de « l’inespéré »… Sa méditation rafraîchissante sur l’avenir nous délivre des diktats technocratiques : « Telle est la mort ; tel est l’amour ; tel est l’autre en tant qu’autre. Ils adviennent, comme l’éclair d’aucune météo, fracturant la nuit ».

Que peut-il encore se passer ? Quoi que l’on sache du futur, notre avenir paraît compromis. Le jeune progressisme cède sa place au vieux nihilisme. Mais que peut-il arriver de bon à notre époque ? « Il est significatif qu’un des plus grands succès de la chaîne anglaise History Channel ait été un documentaire anhistorique : Life after people. Celui-ci prétend montrer à grand renfort d’images de synthèse et de commentaires scientifiques ce que la Terre deviendra après une subite disparition de notre espèce. En un mot, il n’y va pas seulement de l’effondrement des progressismes, mais, pour reprendre le titre du grand livre de Günther Anders, de l’obsolescence de l’homme. Nulle utopie politique ne paraît plus capable de nous arracher au vertige de l’extinction prochaine. Un indice majeur de ce nouvel être-vers-la-mort-sans-trace, c’est que le plaisir ne s’énonce plus en termes de recueillement mais d’explosion. Il s’agit d’être une bombe (sexuelle ou militante) et de s’éclater. L’origine, et la fin, la fête et le sacrifice, le succès et l’échec, tout peut ramener au boom, au buzz et au bang. »

Mais l’auteur s’est converti et a surmonté cette peur en catholique. Le titre de son livre Puisque tout est en voie de destruction est tiré de la seconde lettre de saint Pierre. C’est là qu’il faut trouver la clef de ce beau recueil de textes et de conférences du philosophe Fabrice Hadjadj, paru chez Le Passeur éditeur en avril 2014. La clef est l’Apocalypse. Ce mot signifie « dévoilement » plutôt que « désastre ». Et la destruction de toutes choses, derrière le sillage de la modernité, nous « dévoile » précisément ce qu’il nous reste. Avec violence. Mais c’est peut-être grâce à ce dévoilement que nous trouverons l’Espérance qui sauvera demain. Il nous faut retrouver la ferveur eschatologique des premiers chrétiens.

Si ces temps sont les derniers, dès aujourd’hui, un nouveau règne arrive. Et il se bâtit dès maintenant sur ce qui restera à tout jamais : la charité.

France Renaissance

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