Le rapporteur du Conseil d’Etat vient de préconiser de laisser mourir Vincent Lambert. Si ce drame est extrêmement délicat, il serait criminel d’en faire une affaire uniquement personnelle et de ne pas réagir à cette terrible préconisation. Le Conseil d’Etat vient d’ordonner la mort d’un homme qui n’est pas en fin de vie et n’est pas victime d’acharnement thérapeutique. Contre l’avis des parents et d’une partie des frères et sœurs de Vincent Lambert, mais avec l’aval de sa femme, il respecte par là en partie seulement la loi Leonetti et autorise la « mise à mort » d’un homme en cessant de le nourrir et de le faire boire.

Une décision incompréhensible         

Vincent Lambert, infirmier de profession, a été victime d’un accident de la route en 2008. Tétraplégique, après une phase de coma profond, il est désormais dans un coma dit « pauci-relationnel », plus précisément en état dit de « conscience minimale plus ». Il s’éveille, dort, sourit, pleure parfois et répond aux stimulations, sans que ses réactions n’aient de réponse ou de valeur «clinique objective», ce qui ne permet pas de rendre recevable la prétendue demande de mort qu’il aurait pu formuler.

Surtout il n’est relié à aucun branchement, ne respire pas artificiellement et il n’a qu’une sonde alimentaire qui le nourrit pour éviter «les fausses routes» et les difficultés de déglutition. Si son état parait irréversible, il n’est pas malade, il n’est pas en fin de vie mais simplement handicapé et faible.

Infirmier de profession il connaissait la loi Leonetti et n’a pourtant ni écrit de recommandations, ni désigné une personne de confiance pour décider à sa place. Rien n’indique donc qu’il désire mourir. La décision d’interruption de vie doit être selon la loi Leonetti collégiale, en accord avec la famille même si le médecin à le dernier mot. Pour cette raison la première décision de suspension des « traitements » a été annulée par le tribunal de Reims, ses parents s’y opposant. En effet la seule façon « d’interrompre » la vie de Vincent Lambert est de ne plus l’hydrater ni le nourrir, ce qui entraine de trois à cinq jours d’agonie. N’étant ni malade ni en fin de vie, c’est le seul moyen de le « laisser » mourir et il est autorisé par la loi Leonetti.

Les failles de la loi Leonetti

Si la loi Leonetti, mal connue, répond à un grand nombre de questions actuelles, un de ses préceptes est extrêmement dérangeant. La loi introduit le droit de « limiter ou arrêter un traitement qui résulterait de l’obstination déraisonnable » (ou acharnement thérapeutique). Cette décision doit être collégiale, résulter de la personne (capacité à exprimer et ré exprimer sa volonté ou directives anticipées), de la personne de confiance désignée, de la famille ou à défaut d’un proche. Le problème est que l’exposé des motifs de la loi Leonetti de 2005 introduit le fait que l’alimentation et l’hydratation par voies artificielles sont considérées comme des traitements et non pas comme des soins, devenant par-là interruptibles. L’alimentation et l’hydratation, comme les soins d’hygiène et de confort, font partie des soins de base dus à tout patient dans cette situation de stabilité clinique. Ils ne relèvent en aucun cas du « maintien artificiel de la vie. »

Le rapporteur préconise l’interruption cruelle de l’hydratation et de la nutrition de Vincent Lambert en s’appuyant sur la loi Leonetti qui est à cet endroit mauvais. Comment justifier l’interruption de soins dus à tous patients, entrainant une agonie terrible ? Toutefois ce jugement ne respecte pas cette même loi quant aux conditions de la décision  collégiale de la fin de vie. Cette préconisation et le jugement qui a suivi nous amènent à nous interroger sur la légitimité de l’Etat à décider de la vie et de la mort de ses patients et au terrible précédent que cela va ouvrir.

Quelle légitimité pour la justice à se prononcer sur la vie d’un patient ?

La décision du Conseil d’Etat se base sur un rapport qui a conclu à une dégradation de l’état de conscience de M. Lambert, correspondant désormais à un état végétatif, au caractère irréversible des lésions cérébrales et à un mauvais pronostic clinique. Les personnes qui entourent Vincent Lambert s’accordent pour dire que les soins qui lui sont dus en tant que patient ne lui sont pas apportés. Il n’a pas accès par exemple à un fauteuil roulant. C’est du fait de l’inexistence de ces soins que son état s’est aggravé.

Le Conseil d’État est le juge ultime des activités des administrations mais doit-il pour autant être amené à se prononcer sur la vie d’un patient, fut-il pris en charge par un établissement public ? Quelle légitimité, quelle portée pouvons-nous voir dans une telle décision ? Alors même que la peine de mort a été abolie pour les criminels coupables, l’Etat et la Justice se permettent de statuer sur le droit de vie ou de mort de personnes innocentes et faibles. L’autorisation officielle d’abandon des plus faibles est très préoccupante pour la société. À partir de quel moment peut-on commencer  à évaluer la valeur intrinsèque de la vie d’un patient ? Cette décision crée un précédent qui est une source de crainte pour les familles des près de 1700 patients cérébro-lésés actuellement accompagnés par le système de santé français.

Un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme avait été déposé par les parents de Vincent Lambert dès lundi, demandant le maintien en vie de leur fils, son transfert dans une unité spécialisée dans l’accueil des cérébro-lésés et son interdiction de sortir du territoire. Cette dernière demande est motivée par la crainte de déplacement du jeune homme en Belgique où réside désormais sa femme et où l’euthanasie est autorisée. La Cour européenne a suspendu la décision du Conseil d’Etat dès mardi soir et interdit son déplacement, jusqu’à l’examen et au jugement de la CEDH.

France Renaissance

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