A quoi sert le conservateur du château de Versailles, si ce n’est préserver la beauté et l’harmonie de ce joyau historique qui attire les touristes du monde entier ? On peut sans hésiter affirmer qu’il a failli une fois de plus à sa mission en acceptant dans les jardins du château les « œuvres » de l’ « artiste » contemporain anglo-indien Anish Kapoor.

Attentats visuels dans un lieu emblématique

« Poser des objets de-ci de-là ne sert à rien. J’ai eu l’idée de bouleverser l’équilibre et d’inviter le chaos. » Au moins, l’artiste tient ses promesses. L’œuvre qui fait le plus parler d’elle s’appelle Dirty corner. L’auteur la décrit comme « le vagin de la reine qui prend le pouvoir ». Un tunnel d’acier en forme d’oreille, posé sur le Tapis vert de Le Nôtre, face au château, et entouré d’un amas de pierres, de béton et de terre. La sculpture « représente à elle seule 500 tonnes de pierres venues de Belgique et 1 000 tonnes de terre issues de la production agricole ». Chaque pierre pèse 25 tonnes : il a fallu des grues et des plaques de roulement pour les amener à la place voulue par l’artiste.

Les responsables du château n’en sont pas à leur premier essai. Depuis 2008, les provocations se sont multipliées. En 2009, l’exposition du kitsch Koons et de son « balloon dog » avait déjà fait vivement réagir les amoureux du domaine. Peine perdue. S’en est suivie une démonstration d’un plasticien qui avait entre autres « merveilles » proposé un carrosse de plastique violet arrêté en pleine course. En 2010, les mochetés de Takashi Murakami s’étaient invitées dans la Galerie des glaces et les appartements royaux. Faisant fi de la polémique, le château poursuivit sa lancée en accueillant une obscure artiste portugaise venue parasiter les salles du château avec des détournements d’objets du quotidien, dans des dimensions grotesques. Et maintenant cet anglo-indien qui vient souiller le domaine royal. Jusqu’où ira-t-on dans le grotesque ?

Toutes ces expositions les plus provocantes les unes que les autres marquent un profond irrespect pour le lieu tout d’abord, et les artistes (réels) qui sont à l’origine de ce chef-d’œuvre unique au monde, mais aussi pour les touristes qui viennent du monde entier pour admirer ledit chef-d’œuvre. Au lieu de quoi on leur impose de l’art contemporain, alors qu’il y a des lieux faits pour ça. Mais l’astuce consiste à placer ces œuvres dans des lieux naturellement fréquentés, afin de leur donner une visibilité et faire ainsi gonfler artificiellement leur cote sur le marché.

Derrière la provocation, l’idéologie

Christine Sourgins décrypte à merveille l’imposture de l’art contemporain dans son livre Les Mirages de L’art contemporain (éd. La Table ronde). Voici la quatrième de couverture :

L’Art dit « contemporain », enfant involontaire de Marcel Duchamp, est né au détour des années 1960, détrônant l’Art moderne à coups de surenchère progressiste, provocatrice, libertaire. Il n’a pas tardé à se révéler liberticide, vide et officiel. Car, depuis ses débuts, il n’aura consisté qu’en stratégies, manipulations et mirages. C’est le secret de ce nihilisme que dévoile ici, avec érudition et ironie, Christine Sourgins. À tous ceux qui sont perdus dans les dédales de ce labyrinthe, elle offre enfin un fil d’Ariane, en montrant de manière implacable comment une telle entreprise, trop vite qualifiée de farce, menace ceux qui s’en moquent tout autant que ceux qui s’en enchantent.

Car l’Art contemporain, qu’il se veuille critique, ludique ou didactique, relève toujours de l’instrumentalisation, de la subversion, et du radicalisme.

Quels que soient les prétextes esthétiques, politiques ou moraux qu’il se donne, il attaque en fait l’humanité même de l’homme.

Dans un entretien accordé à Contrepoints, l’auteur explique ceci :

Jean Clair a défini l’AC comme « une vidange généralisée des valeurs ». J’en ai répertorié les principaux aspects, et montré dans Les Mirages de l’Art contemporainque la transgression n’était pas une dérive, un dérapage malheureux mais une donnée structurelle à partir du moment où s’impose la définition duchampienne de l’Art. L’art dans sa première définition vise, pour faire court, la Beauté et la célébration du monde. Duchamp, avec ses ready-made, n’a que faire de la beauté. Celle-ci sera remplacée par une transgression/provocation tous azimuts. C’est même devenu la définition de l’AC : une transgression de l’Art devenue un art de la transgression. L’AC se targue d’une fonction critique mais celle-ci n’est pas la bienfaisante critique constructive qui permet d’amender les choses. L’AC est un nihilisme qui se complaît dans un système qu’il conforte en faisant mine de le contester. En fait, il est l’art, non pas de notre société (dire qu’il est son reflet pour le justifier est mensonge) mais l’expression du pouvoir d’une petite caste : celle-ci s’accommode fort bien de l’éradication de toutes les valeurs ou identités, pourvu qu’on n’abolisse pas les valeurs financières.

Dénoncer cet art officiel, la plupart du temps subventionné avec l’argent du contribuable, devrait être la préoccupation de tout dirigeant politique soucieux du Bien commun. La bulle de ce « non-art » commence à se dégonfler. Les gens en ont assez de ces provocations à répétition. En témoigne dernièrement le dégonflement du jouet sexuel géant exposé place Vendôme en octobre dernier.

 

Rédacteur Web