Soulignant qu’un réel élan pour la promotion de l’égalité a été engagée depuis 2012 , le Haut Conseil à l’Egalité s’occupe d’analyser les formations et les outils à mettre en place dans cet objectif, de proposer des recommandations et d’évaluer la mise en œuvre des dispositifs initiés. Malgré les efforts, les personnels de l’éducation resteraient trop en prises avec les « stéréotypes sexistes » qu’ils reproduisent par des « attentes différenciées » vis-à-vis des filles et des garçons. Le rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes revient sur l’importance de construire la « société égalitaire de demain », qui passera par la lutte contre ces inégalités de traitement supposées. Des attitudes stéréotypées des élèves à celles des enseignants, des violences sexistes issues du milieu scolaire[1] aux « orientations des filles et des garçons rest[ant] toujours très sexuées », le HCE pointe du doigt l’importance d’enseigner le comportement conforme à ce qu’il indique être un bon comportement égalitaire. A l’aide de six recommandations, il entend rappeler « qu’enseigner est un métier qui s’apprend, enseigner de manière égalitaire s’apprend également »[2]. Reposant sur le volet de la formation initiale et la formation continue[3], ces six recommandations doivent jalonner l’ensemble du réseau de l’Education Nationale.

 

  1. Construction de l’égalité filles-garçons : le rôle des personnels de l’Education Nationale

 

  1. Influence du genre, des rôles et stéréotypes de sexe

 

Malgré la promulgation de la loi Haby (1975), qui promulgue la mixité obligatoire dans les établissements d’éducation, l’absence de réflexion préalable quant au traitement des inégalités (volontaires ou non) des personnels de l’Education fait penser aux chercheurs « féministes depuis plus de trois décennies »[4] que « le genre[5] s’invite de manière transversale dans tous les espaces clés de l’école ». En somme, il serait essentiel de pointer du doigt les inégalités en vigueur afin d’y répondre, les rapports sociaux de sexe « interagissant avec les autres critères de discriminations (origine, handicap, orientation sexuelle,…) ». En premier lieu, ce sont les différenciations d’apprentissage en fonction du sexe qui sont pointées du doigt. Conclusions d’évaluations orientées par un présupposé d’effort consciencieux pour les filles, suivant une interprétation turbulente quoique pleine de capacités pour les hommes ; interactions deux fois plus nombreuses de la part des enseignants à l’égard des garçons par rapport aux filles ; mobilisation d’objectifs différents pour les filles que pour les garçons : tous ces éléments, involontaires de la part des professeurs, doivent être corrigés, selon le HCE. La différence de traitement « sexué » est également pointée au sein des programmes scolaires[6] : de l’absence « de mention explicite à l’égalité filles-garçons dans les programmes » à « l’invisibilité du genre grammatical féminin » à travers les pages des manuels, jusqu’aux « dérives essentialistes présentes dans certaines définitions d’objectifs » et la « réduction de la thématique de l’égalité des sexes à une ou deux thématiques », le Haut Conseil s’avoue peu satisfait. Si on salue les dernières volontés du ministère de l’Education Nationale, on se plaint d’une distinction entre la volonté de celui-là et l’application réelle de ses dispositions. Parce que la représentation des femmes dans les manuels seraient davantage perçues d’un point de vue masculin, le Ministère avait souligné en 2013 qu’il était nécessaire « d’élaborer avec les éditeurs un guide de bonnes pratiques pour éliminer les stéréotypes » et de « former les enseignants au bon usage des manuels » en ce sens. Une disposition approuvée par le Haut Conseil. De même, ce sont les caractères sexués dans la vie scolaire qui sont pointés du doigt, avec une prédominance de la sanction pour les garçons (dans un souci de prédominance de la virilité) et une occupation plus importante des espaces récréatifs de leur part par rapport aux filles, qui sont pointés du doigt. De même, on considère que les orientations sexuées prises dès la fin du collège empêchent les filles d’accéder à des carrières prestigieuses. « En faisant le choix de respecter le choix des familles, l’institution ne corrige pas le processus d’auto-sélection et d’autocensure et participe ainsi, à son insu, à la division sexuée de l’orientation et au maintien de l’égalité », souligne le rapport.

 

  1. Des leviers et outils trop peu connus

 

Le Haut Conseil déplore que les « outils » mis à disposition par le gouvernement soient trop peu connus du personnel enseignant. Des directives qui légitiment pourtant la « bonne conduite » égalitaire prônée par le rapport et qui permettent selon Gaël Pasquier[7] de ne pas les considérer comme « relevant de la fantaisie ou du seul militantisme d’un.e professeur.e ». Si les différents leviers existent, le manque d’uniformité de leur application reste un problème pour la diffusion des idées du Haut Conseil. Revêtir les « lunettes du genre » afin d’éviter un regard empreint de sexisme : tel est le leitmotiv des chantres de la lutte pour « l’égalité de genre ». Dans le cadre scolaire, il est donc préconisé de se soucier des expressions à employer, pour ne pas commettre de dérives de langage sexistes : « Je fais attention à ne pas dire « c’est l’heure des mamans » mais « c’est l’heure des parents et des nounous » », « En maths, en situation de problème, ce n’est pas toujours « maman fait les courses » et « papa répare le vélo » ». Rééquilibrer les interactions dans la classe, pour n’en pas laisser la primeur aux garçons ; gérer les relations entre les pairs ; valoriser le rôle des femmes dans les contenus d’enseignements ; apprendre à critiquer les stéréotypes sexistes : telles sont les recommandations développées par le professeur Nicole Mosconi sur le site ressource Eduscol.

Quoiqu’ils soient nombreux et existent depuis près de trente ans[8], les sites internet et plateformes de référence mis à disposition par l’Education Nationale restent largement méconnus du monde éducatif. Afin de faire connaître ces travaux de promotion à l’égalité, on préconise la nomination de « chargé.e.s de mission académiques » à l’égalité filles-garçons, « nommé.e par le recteur ou la rectrice », qui devront de définir la formation des personnels de l’Education Nationale sur la question.

 

  1. Priorité pour demain : la formation des personnels de l’Education Nationale

 

  1. Formation initiale

 

A l’issue de la loi de Refondation de l’école (2013), l’obligation d’enseigner cet enseignement de l’égalité doit être appliqué. Cette législation a notamment engendré la fin des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) dans les académies, qui se voient désormais remplacés par les 32 écoles supérieures du professorat et de l’éducation où les enseignants sont formés. Ils y reçoivent des enseignements dans un tronc commun, comprenant notamment des enseignements relatifs aux valeurs de la République mais également des enseignements spécifiques. Dans les articles de cette loi[9] sont inscrites les obligations à diffuser la « culture de l’égalité entre les femmes et les hommes » que se doivent de respecter les responsables de ces modules. Quoique le Haut Conseil à l’Egalité se félicite de cette inscription légale, il déplore que l’offre de formation sur le territoire soit si inégale ; car si les formations pour l’égalité entre les garçons et les filles doit représenter dans le tronc commun un enseignement de 100 heures en moyenne ; « il ressort que l’offre d’enseignement dans les ESPE est très variable »[10]. La moitié des ESPE estime avoir formé la totalité de leurs étudiants ; 1 sur 3 déclare ne pas avoir formé l’intégralité de ses étudiants ; le volume horaire annoncé pour la formation varie entre 2 heures et 57 heures annuelles (2014-2015). Certains ESPE font du zèle : ainsi, Créteil propose de nombreuses formations en ce sens. Le sujet ne semble pourtant pas retenir l’attention des étudiants. « Le public touché est très limité », remarque le Haut Conseil. « En 2015-6, sur 800 étudiant.es en M 1 et 1000 étudiant.es en M2, à peine 10 % ont suivi les modules sur le genre mis à disposition ».

 

De même, tout en se plaignant de l’absence de la circulation de l’information sur ces différents enseignements, le Haut Conseil constate qu’il existe de nombreuses personnalités références à disposition…Tout en soulignant que l’un des freins à cette éducation au sein des ESPE est « le manque de formateur.rice.s et / ou de chercheur.euse.s identifié.e.s sur le territoire »… Les modules de formation peuvent être « assurés par des enseignant.es chercheur.eus.es spécialisé.es sur les études de genre ou par des associations, qu’il s’agisse d’entités locales ou de délégations départementales d’un réseau national. C’est notamment le cas du Planning familial et de la Ligue de l’Enseignement »[11]. Malgré ces dispositions, les ESPE se confronteraient à de nombreux obstacles pour l’enseignement de ces théories : manques de prise de conscience des inégalités, multiplicité des thèmes à traiter (notamment la priorité donnée à la laïcité et la lutte contre les discriminations), … : tels sont les autres freins à l’enseignement de ces questions dans les ESPE. « L’offre de formation de certaines académies relève parfois davantage de l’affichage que d’une recherche réelle d’efficacité », déplore-t-on.

 

Pour autant, le Haut Conseil ne désespère pas et souligne l’importance de certains leviers pour la diffusion de ses idées : du « portage politique et la médiatisation de l’égalité hommes femmes » au soutien croissant par les équipes éducatives pour l’enseignement de ce type de formations (« un poste fléché sur les questions de genre apparaît ainsi comme un levier profitable ») jusqu’aux partenariats actifs sur le territoire : on souligne que la diffusion est aisée à mettre en œuvre. L’enseignement de « l’égalité » pourrait être inscrit dans un « module très global » ; renforcer et généraliser l’éducation filles-garçons pourrait passer par le « conditionnement de la validation de la maquette d’enseignement par le ministère », par un critère d’admissibilité au concours d’enseignant[12]…  

 

  1. La formation continue

 

Un Plan National de Formation est décliné dans les différentes académies. Même si ces PNF « s’inscrivent dans une stratégie d’accompagnement des académies » et que leur mise en œuvre engendre l’obligation de formations relatives à l’égalité garçons-filles, le déficit de l’offre est dénoncé[13]. De même, les Plans Académiques de Formation, que chaque Académie est tenue de proposer, ne sont pas toujours assurés. Sur 28 académies, 5 d’entre elles ne « proposent pas de dispositifs dédiés et l’égalité est inclue dans des dispositifs plus larges » et « 3 académies ne proposent aucune formation liée à l’égalité filles-garçons ». Et trop souvent, lorsqu’elles ont lieu, les formations brillent par leur échec : « les PAF sont finalement annulés si le nombre d’inscrit.e.s est insuffisant », note le Haut Conseil qui déplore que c’est notamment parce que la « thématique est jugée accessoire par les personnels » que ces formations se soldent par un échec. C’est aussi parce qu’elles cèdent aux élans de dilution dans d’autres modules (laïcité, lutte contre le sexisme,…), on préconise en ce sens une approche « intersectionnelle » entre ces différents travaux.

 

Conclusion

 

De la petite enfance aux études supérieures, le Haut Conseil préconise de nombreuses mesures destinées à inscrire l’égalité filles-garçons dans tous les ressorts éducatifs possibles[14]. Dans cette perspective, le Haut Conseil à l’Egalité est bien décidé : à l’initiative du Ministère de l’Education Nationale, il développera dans les plus brefs délais un « réseau de formateur.rice.s », recensant une cartographie de ceux-là. Ses partenaires pour l’élaboration de ladite cartographie ? L’ARGEF (association de recherche sur le genre en éducation et formation) et l’ANEF (association des études féministes)…. Des associations subventionnées, dont l’orientation idéologue laisse à présager une immixtion croissante dans la sphère privée des familles pour ces prochaines années.

 

Nb. Cette note fait la synthèse du rapport : « Formation à l’égalité filles-garçons : faire des personnels enseignants et d’éducation les moteurs de l’apprentissage et de l’expérience de l’égalité. » Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes. Rapport n°2016-12-12-STER-025. Par Danielle Bousquet, Présidente du HCE. Rapporteur : Françoise Vouillot. Co-rapporteurs : Margaux Collet, Yseline Fourtic.

 

[1] « Les filles sont deux fois plus nombreuses à déclarer avoir été la cible d’insultes relatives à leur comportement sexuel ou amoureux ; 20% d’entre elles annoncent avoir renoncé à une tenue vestimentaire par souci de réputation ». HCE. Rapport n°2016-12-12-STER-025. P. 5.

[2] Cette phrase d’Isabelle COLLET, présentée en début de rapport, est donc directement empruntée à l’enseignant à l’origine de l’Association de recherche sur le genre en éducation et formation (ARGEF) qu’elle préside.

[3] « La formation initiale à l’éducation à l’égalité doit être systématique pour les 25 000 nouveaux.elles enseignant.es, documentalistes et CPE formé.e.s chaque année dans les Ecoles supérieures du Professorat et de l’Education (ESPE) ». D’autre part, « la formation continue du million d’enseignant.e.s, de personnels d’éducation, d’administration et de direction déjà en poste doit être encouragée plus fortement », stipule le rapport.

[4] Op. cit. p.13.

[5] « Système de normes hiérarchisées hiérarchisantes de masculinité / féminité. Ces norems sont différentes et construites en opposition, valables dans une culture donnée à une époque donnée. Ce système produit des inégalités entre les femmes et les hommes ». Op. cit. p.13.

[6] On souligne notamment que dans les manuels d’Histoire, 97% des biographies présentées sont consacrées à des hommes. De même, 95% des textes littéraires étudiées sont issus de plumes masculines.

[7] Maître de conférences en sociologie à l’ESPE de Créteil.

[8] Op. cit. p.22.

[9] Article L. 721-2 du Code de l’Education : « Elles préparent les futurs enseignants et personnels d’éducation aux enjeux du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et à ceux de la formation tout au long de la vie. Elles organisent des formations de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes » ; Article 2 de l’Arrêté du 27.08.2013. « Elle comprend un tronc commun de formation proposé à tous les étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation, portant notamment sur les domaines suivants […] enseignements liés aux principes et à l’éthique du métier, dont l’enseignement de la laïcité, la lutte contre les discriminations et la culture de l’égalité entre les femmes et les hommes ».

[10] Op. cit. p.31.

[11] Op. cit. p.33.

[12] Op. cit. p. 38-40.

[13] Trois journées de formation en 2014-2015 ; aucune en 2015-2016 ; une en 2016-2017.

[14] De l’école maternelle jusqu’aux collèges lycées, des exemples sont proposés (Op. cit, p.48) ; plus haut cités, l’inscription de ces modules s’opèrent dans toutes les ESPE.

aloysia biessy