Budget de la Sécu : les fausses économies de Marisol Touraine
« Il n’y a de vrai dieu que la croissance et Michel Sapin est son prophète », tel semble être devenu le credo du gouvernement. Pour se défendre du manque de résultat, celui-ci ne jure plus que par la croissance.
Le gouvernement face à ses contradictions budgétaires
En réalité, rien de nouveau sous le soleil : déjà en 2012, pendant la campagne présidentielle, François Hollande affirmait pourvoir rétablir l’équilibre budgétaire avant la fin du quinquennat en tablant sur des hypothèses de croissance pour le moins optimistes, voire naïves. Comme quoi faire l’ENA et HEC n’est pas nécessairement gage d’intelligence économique… On se souvient de la promesse du candidat socialiste, « Moi Président, le déficit public sera réduit à 3 % [du PIB] en 2013. » Finalement, il s’est élevé à 4,3 % et, en 2014, les chiffres ne seront guère mieux et s’établiront à 4,4 % malgré les promesses initiales de Michel de Sapin de le ramener à 3,6 % du PIB et les prévisions pour 2015 montrent que ce sera une nouvelle année de stagnation. Valls a fini par le reconnaître lui qui prévoyait un retour du déficit public sous les 3 % en 2015.
Bien sûr, comme le dit l’adage, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Mais il en va aussi de la crédibilité de la France en Europe et dans le monde. On ne sait par quel miracle l’Etat peut encore emprunter à des taux d’intérêt historiquement aussi bas (sans doute, l’excédent commercial de l’Allemagne est-il notre caution mais pour combien de temps encore ?). Toujours est-il que cela n’est pas une excuse pour laisser filer la dette publique : cet été, celle-ci a dépassé la barre symbolique des 2000 milliards d’€ pour atteindre 95 % du PIB et l’année prochaine, le gouvernement prévoit 98 % du PIB, bientôt les 100 %. A ce train-là, les investisseurs finiront par prendre peur et les taux d’emprunt augmenteront considérablement. Même si le risque d’une faillite de l’Etat est faible en raison du poids de la France dans l’économie mondiale, nous ne sommes pas à l’abri d’une panique des marchés. Dans tous les cas, faillite ou pas, cette situation n’est pas admissible : elle appauvrit les Français et humilie la France qui voit son patrimoine passer aux mains d’étrangers venus du Qatar, de l’Arabie Saoudite, de la Chine, de la Russie, etc.
L’équilibre des comptes, tout le monde l’a compris, n’est pas à l’ordre du jour comme pouvait le laisser le supposer les promesses du gouvernement. La politique menée pour réduire le déficit de la Sécu illustre parfaitement et de manière très significative l’incapacité de nos dirigeants à mener les réformes structurelles indispensables pour redynamiser l’ensemble de notre économie en général et en particulier redonner un nouveau souffle à notre système social aujourd’hui dépassé.
Les comptes de la Sécu dans le rouge, l’AME augmentée !
Dette de la Sécu : 11,7 % de la dette publique française ; déficit de la Sécu : 11,7 milliards € !Faute de pouvoir augmenter les recettes de la Sécurité sociale, Marisol Touraine a dû admettre avant la présentation du PLFSS 2015 (Projet de loi de financement de la Sécu) que le déficit de la Sécurité sociale s’était aggravé en 2014 de 11,7 milliards d’€ (15,4 milliards si l’on y ajoute le Fonds solidarité vieillesse) contre les 9,5 puis les 9,8 milliards originellement prévus. S’il est vrai que le déficit diminue d’année en année depuis 2010, il faut toutefois préciser que cette réduction est surtout assurée par des prélèvements supplémentaires et non par des économies sur la dépense. Ainsi, de l’avis de la Cour des comptes, il est fort à parier que le rétablissement de l’équilibre des comptes d’ici 2017 est une utopie. Aujourd’hui la dette de la Sécu s’élève à près de 236 milliards d’€ (soit 11,7% de la dette publique française). Le vieillissement de la population et l’accroissement du chômage sont les deux principaux facteurs de l’aggravation de la dette sociale (déficit accumulé de la Sécu) en induisant un fort déséquilibre entre les recettes et les dépenses. En fait, depuis 2001, la Sécurité sociale n’a plus été en mesure de maintenir l’équilibre de ses comptes. Aussi, année après année, reporte-t-elle sur les générations futures le coût des retraites, de l’assurance maladie et des allocations familiales. Il est frappant de constater que la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), créée à l’origine pour treize ans, a vu sa mission continuellement renouvelée depuis 1996 et ses ressources – CRDS et CSG en tête – régulièrement revues à la hausse. Il lui reste à présent à éponger une ardoise qui dépasse les 110 milliards d’euros sans compter les transferts de dette à venir…
Les voies du gouvernement sont décidément bien impénétrables. Le cas de l’AME est à cet égard révélateur de l’idéologie qui imprègne le pouvoir actuel. Prisonnier de ses dogmes en matière d’antiracisme, de droits de l’homme et d’immigration, prisonnier aussi et surtout de son mépris pour le modèle familial traditionnel, le gouvernement a choisi sciemment de faire payer les familles et dans le même temps d’augmenter l’aide médicale d’Etat (AME) en faveur des immigrés clandestins créée par Martine Aubry et de Bernard Kouchner et entrée en vigueur en janvier 2000. Le projet de loi de finance 2015 (PLF) prévoit ainsi une augmentation de 73 millions d’euros, soit l’équivalent du budget total alloué à l’AME en 2001. Pour 2014, les crédits prévus au titre de l’AME s’élevaient à 605 M€ (+2,9%, soit + 17 millions d’€, par rapport à la dotation initiale de 2013. En 2013, à l’arrivée les dépenses avaient largement dépassé les prévisions, comme chaque année d’ailleurs, elles se seraient élevées à 744 millions d’euros ainsi que l’a elle-même reconnue Marisol Touraine en juin dernier). La ministre de la Santé et des Affaires sociales a revu le budget de l’AME à la hausse certes ; mais elle sous-estime sciemment cette augmentation. En effet, on peut lire dans le Rapport annuel de performance Santé à la page 120 que le montant de l’AME en 2013 avec les frais de personnel, de fonctionnement, etc. dépasse le milliard et s’établit à exactement 1 006 770 831 €. Comment dans ce cas Marisol Touraine peut-elle sincèrement « garantir un pacte social de qualité » ? Les étrangers en situation irrégulière, ne payant donc aucune cotisation ni d’aucune charge, bénéficient de la gratuité des soins alors que de nombreux Français doivent se serrer la ceinture et réduire leur budget santé (-8 % en moyenne entre 2012 et 2013), notamment les plus démunis qui sont contraints de renoncer à se faire soigner les dents ou la vue à cause de prix prohibitifs. Il y a là une injustice manifeste très grave : que des clandestins soient mieux traités que des Français laisse naturellement songeur et dubitatif sur les motivations du gouvernement actuellement en place.
L’Assurance maladie et la protection sociale dans le PLFSS 2015 : beaucoup de bruit pour pas grand-chose…
Sur les 50 milliards d’€ d’économie prévus par le gouvernement d’ici 2017, 10 milliards proviendront de la réduction des dépenses de l’Assurance maladie (dont 3,2 en 2015) et 10 milliards (dont 6,4 en 2015) d’autres dépenses de la protection sociale. Cela fait donc un total de 9,6 milliards d’€ pour la seule année 2015 sur les 21 milliards d’économie voulus par le Premier ministre, Manuel Valls, pour la Sécurité sociale. Maisles économies présentées par Marisol Touraine et qui seront inscrites dans le PLFSS 2015 sont peu convaincantes. Elles s’apparentent en effet davantage à une faible réduction du déficit qu’à une restructuration durable et efficace de la Sécu. Concernant l’Assurance maladie, Marisol Touraine et le projet de loi de finances indiquent que le taux d’évolution de l’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie, soit le montant prévisionnel établi annuellement pour les dépenses de l’Assurance maladie) sera fixé à 2,1 % en 2015 (contre 2,4 en 2014). Cela revient à dire que l’Assurance maladie sera seulement contrainte à légèrement diminuer son déficit. Aucun retour à l’équilibre entre les dépenses et les recettes n’est donc prévu pour le moment. Marisol Touraine affirme que cette mesure permettra une économie de 3,2 milliards d’€ en 2015. Mais concrètement il ne s’agit pas là d’une réduction nette des dépenses mais tout simplement d’une moindre augmentation de ces dernières par rapport à la hausse dite tendancielle, ce qui est bien sûr louable mais très insuffisant.
Sans entrer dans le détail, les économies préconisées pour l’Assurance maladie sont les suivantes : réduction de 520 millions € des dépenses hospitalières ; dégagement de 370 millions € en poursuivant le virage ambulatoire et en adaptant la prise en charge des établissements ; réalisation d’un peu plus d’un milliard € d’économies dans le secteur des produits de santé et la promotion des génériques ; 1,15 milliards € d’économies par l’amélioration de la pertinence et bon usage des soins et récupération de 75 millions € par la lutte contre la fraude. Dès leur annonce, elles ont fait grincer des dents de nombreux professionnels de la santé : laboratoires, entreprises pharmaceutiques, médecins libéraux, personnels des hôpitaux, direction de la Cnaf, etc. tous se sont empressés de dénoncer ces réformettes à la petite semaine. Personne au fond n’est opposé à contribuer aux économies mais à condition qu’elles soient utiles. Pour cela, encore faut-il que le gouvernement se décide enfin à mener les réformes structurelles qui s’imposent et que la Cour des comptes réclame avec insistance depuis quelques années.
Par ailleurs, le PLFSS 2015 tout comme le PLF sont flous concernant les mesures d’économies en rapport avec les prestations sociales. Les journalistes présents à la conférence de presse sur la PLFSS (29 septembre dernier) ont pu aisément constater que ni le secrétaire d’Etat chargé du budget, Christian Eckert, ni Marisol Touraine ne sont parvenus à donner un chiffrage exact de l’ensemble des mesures d’économies prévues au titre de la protection sociale. Pourtant la réduction des dépenses est soi-disant au cœur de la politique du gouvernement. Ainsi sur les 9,6 milliards d’économies annoncés, il a été dit que 3,2 milliards de réduction concerneraient les dépenses d’assurance maladie, 700 millions les prestations familiales et 500 millions les dépenses de gestion des organismes de protection sociale. Pour le reste, c’est le flou le plus total. Eckert a alors affirmé qu’il fallait s’en reporter au PLF pour avoir plus de détails, PLF qui n’a en réalité guère apporté de précisions : près de 5 milliards d’économie restent trop peu documentés. De plus, Sapin et Marisol Touraine table sur une croissance d’1% pour soutenir les recettes. C’est une prévision très optimiste et aucun économiste sérieux n’y croit…
En guise de conclusion, quelques pistes de réflexion…
En matière sociale, de nombreuses économies pourraient être réalisées sans que les ménages et les PME soient pénalisés. Il y a en effet une vraie réflexion à mener sur les gaspillages, sur l’efficacité et la nocivité des médicaments et leur hyperconsommation, sur l’organisation et les effectifs de la Sécu, sur le coût de l’immigration clandestine pour notre système de santé, sur le remboursement de certaines pratiques (IVG, contraception, etc.), sur la répression des fraudes (20 à 25 Md€ à gagner selon la Cour des comptes), etc. A titre d’exemples, nous pourrions citer les 500 millions d’euros, largement financés par la Sécu, pour mettre en place le dossier médical personnel ; les 6.000 médecins intérimaires de l’hôpital public lesquels sont surpayés et recrutés pour pallier le manque de titulaires dû au numerus clausus – encore 500 millions d’€ gaspillés… Et que dire aussi du coût exorbitant que représente le stress au travail : entre 1,5 et 2 points du PIB selon l’économiste Jacques Sapir, soit au moins 40 Md€ dont 1 milliard rien que pour le remboursement de médicaments (antalgiques, psychotropes, antidépresseurs…) ! Bref, beaucoup de pistes restent à explorer mais le gouvernement les ignore car elles impliqueraient des réformes de grandes envergures et la remise en cause de nombreux présupposés idéologiques dans les domaines du travail, de l’emploi, de l’immigration, du système de santé…
Encore une fois l’échec du gouvernement est patent. Celui-ci avait prévu un retour à l’équilibre (autant de dépense que de recettes) dès 2015, il a dû le repousser à 2018 au plus tôt ; autant dire aux calendes grecques… Si 2015 est d’ores et déjà l’année des défis perdus, 2016 sera celle de toutes les crispations ! Par ses mensonges à répétition et son incapacité à renverser la dynamique, le gouvernement joue avec le feu…