Condamnation à mort d’Asia Bibi pour blasphème, la France doit réagir
150 à 200 millions de chrétiens sont aujourd’hui persécutés à cause de leur foi à travers le monde. C’est ce qu’affirme le Livre noir de la condition des chrétiens dans le monde. Il est difficile d’avoir une estimation précise du nombre de chrétiens tués chaque année (entre 7000 et 100 000) mais il n’y a aucun doute, les chrétiens sont bien « numériquement » les plus persécutés au monde. Cela se passe dans des pays et sous des régimes différents, aussi bien sous les régimes communistes de Chine et de Corée du Nord que du fait des nationalistes hindouistes ou bouddhistes en Inde ou au Sri Lanka. Mais cette persécution est la plus présente et la plus forte dans les pays musulmans où elle se fait au nom de l’Islam. Elle peut être due à des groupes extrémistes comme l’Etat islamique en Syrie et en Irak, mais bien souvent c’est au niveau étatique que cette persécution est menée, parfois même dans des pays alliés de la France. C’est ainsi que le 16 octobre 2014 au Pakistan a été confirmée la condamnation à mort par pendaison pour blasphème d’Asia Bibi, jeune chrétienne.
Une condamnation pour blasphème
En 2009 Asia Bibi chrétienne a apporté de l’eau à des femmes musulmanes, eau refusée, jugée impure car touchée par une chrétienne. Accusée par ces femmes d’avoir insulté le prophète Mahomet dans la conversation qui suit, la jeune mère de cinq enfants est condamnée à mort en novembre 2010. Cette sentence s’appuie sur la loi sur le blasphème, instaurée dans les années 80, (section 295 du Code pénal du Pakistan), selon laquelle « doit être punie de mort toute personne qui insulte le prophète Mahomet».
Les chrétiens sont considérés comme « intouchables » dans un système de castes hérité de l’époque où le Pakistan faisait partie de l’Empire britannique. Les chrétiens représentent une minorité de trois millions de personnes (un peu moins de 2% de la population pakistanaise), particulièrement discriminée. Le cas d’Asia Bibi est l’illustration de ces discriminations quotidiennes.
Un appel avait été déposé mais deux juges de la Haute cour de Lahore ont rejeté l’appel ce 14 octobre. Il faut admettre que toute décision contraire aurait été compliquée dans ce pays où les deux derniers hommes politiques à vouloir ouvertement réformer la loi sur le blasphème ont été assassinés. Le gouverneur du Penjab, Salman Taseer et le ministre des minorités, Shahbaz Bhatti ont perdu la vie en 2011.
Le procès d’Asia Bibi est un symbole. Une douzaine d’Imam ayant porté plainte contre la jeune mère ont salué la décision de justice de confirmation de la condamnation à mort par pendaison en chantant et déclarant : « Nous allons distribuer des sucreries à nos frères musulmans, car il s’agit d’une victoire pour l’islam ».
La voix de la France et de la communauté internationale
Peu de voix officielles françaises se sont élevées à l’annonce de cette condamnation et pour cause, le Pakistan est un pays allié dans la « guerre contre le terrorisme et le fondamentalisme islamique » aussi bien en Afghanistan que contre l’Etat islamique. Cela démontre la position hypocrite de notre diplomatie qui s’appuie sur des pays comme le Qatar, l’Arabie Saoudite ou le Pakistan pour combattre des actes barbares et des persécutions de minorités qu’eux-mêmes mènent sur leurs sols respectifs.
Le ministère des Affaires étrangères a tout de même publié un communiqué rappelant que « le « délit de blasphème » porte atteinte à la liberté de religion ou de conviction, ainsi qu’à la liberté d’opinion et d’expression ». L’Union européenne a quant à elle exprimée sa préoccupation. Il faudra plus que de faibles déclarations pour espérer un changement.
Si la mobilisation des ONG et des particuliers est réelle et forte une réaction sincère et déterminée des pouvoirs publics se fait toujours attendre. Pourtant on sait combien les mobilisations internationales peuvent porter leurs fruits lorsque l’interlocuteur est un Etat. L’exemple de Meriam Ishag condamnée à mort au Soudan pour apostasie et finalement libérée avec ses enfants sous la pression internationale en juillet en est un bon exemple. Si les relations avec le régime d’Omar el-Béchir étaient déjà coupées et que la France et les pays occidentaux n’avaient rien à perdre, la pression a été déterminante.
La France qui prétend être garante des droits de l’homme et qui entend les défendre à travers le monde doit faire entendre sa voix pour la défense et la libération d’Asia Bibi, chrétienne pakistanaise ainsi que pour la défense de toutes les minorités opprimées par des Etats qui sont ses alliés. La France ne peut pas se battre au nom de la démocratie avec de tels alliés sans dénoncer les graves manquements au sein même de ces pays. Il est temps que la diplomatie française s’engage pour sauver Asia Bibi.