La Défense au régime sec
Le Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, vient de détailler les futures restructurations de l’armée pour 2015, avec pas moins de 7 500 postes supprimés et au moins trois bases et un régiment fermés, cinq navires désarmés et l’hôpital du Val-de-Grâce abandonné. Les armées, qui représentent 10 % des agents de l’État, assument à elles-seules 60 % des réductions de postes dans la Fonction publique.Alors même que l’armée française est engagée sur de plus en plus de fronts à travers le monde, la Défense voit, une fois de plus, son budget et ses effectifs fondre.
Ces restructurations impliquent la fermeture du 1er Régiment d’artillerie de marine (RAMa) et de l’état-major de la 1ère Brigade mécanisée de Châlons-en-Champagne (Marne), ainsi que la suppression de plusieurs escadrons pour l’Armée de terre. L’Armée de l’air va fermer les bases de Dijon et Paris (Balard). La Marine nationale devra désarmer cinq bâtiments de combat et fermer la base de l’Adour, à Anglet. Enfin l’hôpital militaire du Val-de-Grâce va être fermé, les capacités hospitalières étant transférées vers d’autres hôpitaux. Ces fermetures viennent s’additionner aux nombreuses déjà opérées depuis des années.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en 2013, avait défini un nouveau modèle d’armée, adapté aux ambitions, au contexte stratégique et à la situation des finances publiques. Ce nouveau modèle impliquait de la part du ministère de la Défense une réduction de ses effectifs. Le format d’armée, ainsi revu, impliquait des « opérations de restructuration qui consistent en des mesures de réorganisation, de mutualisation, de fermeture d’implantations militaires et des transferts d’unités ». Mais ce Livre blanc revoyait à la baisse les ambitions de la France et sa capacité d’intervention sur des terrains extérieurs. Or, depuis l’adoption de ce Livre blanc, le gouvernement n’a cessé d’engager l’armée française sur de nouveaux terrains d’opérations extérieures. Aujourd’hui plus de 8 000 hommes sont déployés à travers le monde, que ce soit au Kosovo, au Liban, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, dans des missions contre la piraterie et dans des opérations plus récentes dans la Bande Sahélo-Saharienne avec l’opération Barkhane, en République Centrafricaine avec Sangaris ou en Irak contre l’Etat islamique. Et les opérations pourraient continuer, le ministre évoquant la possibilité de retourner en Libye pour essayer de contrer les terribles conséquences de la précédente intervention.
Les annonces du jour ne sont qu’une petite illustration des efforts colossaux et dangereux demandés à l’armée. Cette loi de programmation militaire pour les cinq prochaines années (LPM, 2014-2019) a programmé 34 500 nouvelles suppressions de postes d’ici 2019. Entre 2009 et 2019 la Défense aura supprimé 80 000 emplois, quand on en a créé 60 000 nouveaux dans l’Education nationale. Le droit de réserve imposé au militaires permet au gouvernement de faire de la Défense, et donc de la sécurité de la France, sa variable d’ajustement du budget. Ce droit de réserve a connu ses limites quand les quatre chefs d’Etat-major ont menacé de démissionner face à la volonté de Bercy de faire une nouvelle coupe dans le budget de la Défense en mai 2014. Il devient irresponsable de couper toujours plus dans ce budget, lorsque la France est le seul pays européen à supporter le poids de la sécurité mondiale face à une multiplication des menaces. Si le gouvernement décide d’engager nos troupes sur autant de théâtres d’opérations, sans obtenir d’engagement humains et matériels ou au moins financiers des autres pays européens à ses côtés, il ne peut pas réduire autant le budget sans risquer la vie de nos soldats et de nos compatriotes. Si la France décide de rester un grand acteur de la sécurité mondiale, elle doit se donner les moyens de son ambition.
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