Le travail du dimanche
L’exécutif veut élargir les dérogations à la règle du repos dominical pour permettre à un plus grand nombre de commerces d’ouvrir ce jour, en particulier lorsqu’ils sont situés dans les gares et les « zones touristiques à fort potentiel économique ». Les salariés employés dans ces périmètres doivent être volontaires et recevoir une « compensation importante » (le salaire devrait être doublé dans les établissements de plus de onze personnes). Les maires auront la possibilité de délivrer des autorisations d’ouverture sur douze dimanches dans l’année, dont cinq seront obligatoirement accordés si les entreprises le demandent (à l’heure actuelle, les « dimanches du maire » s’élèvent à cinq maximum par an). Le « travail en soirée » pourra également être autorisé, « sur décision de l’Etat », dans les « zones à haut potentiel économique » et moyennant des majorations de salaires.
« Ces mesures, attendues des Français, peuvent permettre la création de plusieurs milliers d’emplois », assure Emmanuel Macron.
Gagnant-gagnant ?
Partant d’un principe dit de gagnant-gagnant, l’exécutif avance l’idée que cette ouverture s’effectuera sur la base d’un volontariat, compensé par une rémunération plus attractive.
Compte tenu de la situation économique actuelle, ce projet est une véritable boîte de pandore.
Quel salarié se permettra de refuser à son futur employeur, lors d’un éventuel entretien d’embauche, de travailler le dimanche ?
L’argument du volontariat fait fit du caractère particulièrement critique du marché de l’emploi. Aucun demandeur d’emploi ne pourra se permettre de refuser de travailler le dimanche. L’employeur pourra aisément le remplacer par une personne plus désespérée encore, qui acceptera de travailler le dimanche.
Quid des commerces de proximité ?
Selon Bernard Morvan, le président de la Fédération Nationale de l’Habillement, dans une interview parue dans Les Echos, « L’ouverture le dimanche est une menace pour les commerçants indépendants. Il ajoute, si la loi aboutissait à une augmentation du nombre de dérogations dominicales dans les zones non touristiques, il est certain que les commerces indépendants de centre-ville qui emploient des salariés n’auraient pas les moyens humains et financiers de suivre le rythme d’ouverture des plus gros acteurs, créant ainsi un facteur discriminant supplémentaire ».
Avis syndicaux ?
La totalité des syndicats s’opposent à l’ouverture dominicale. Et bien qu’il existe un caractère volontaire dont peuvent prétendre certains salariés, ils estiment qu’il est de leur devoir de défendre la majorité des salariés qui subiront la situation exécrable du marché de l’emploi.
Ouverture de la boite de pandore ?
Ce projet de lois s’inscrit dans une vision économique visant, in fine, à supprimer définitivement le repos dominical.
Le repos dominical est déjà vérolé par de multiple dérogation. Cette réforme inscrira un pas de plus vers sa suppression définitive. Après acceptation de ce projet et après modification du marché, certaines entreprises pourront demander une qualification dans la « Dérogations liées aux contraintes de production ou aux besoins du public ». Cette dérogation sera clairement défavorable au salarié, les entreprises n’étant plus obligées d’augmenter leur rémunération. De plus, le projet risque d’augmenter les zones de dérogations de droit dans les communes d’intérêt touristique ou thermales. Les salariés appelés à travailler le dimanche dans ces communes ou ces zones, ne bénéficieront pas de majoration.
Quid de la nation, de la civilisation ?
- Le caractère culturel
En dehors de la vision purement économique, il faut également rappeler le caractère culturel du repos dominical. S’inscrivant dans une tradition chrétienne, c’est en effet le 3 juillet 321 que Constantin, premier empereur romain à s’être converti au christianisme institué religion d’Etat, fait du dimanche un jour de repos légal.
Sa suppression ou son affaiblissement, à l’heure où notre pays a besoin de racines solides sur lesquelles se reposer, serait catastrophique. L’homme n’est pas seulement un agent économique que l’on peut déplacer selon notre bon vouloir. L’homme est un être doué d’une sensibilité, qui pour son développement personnel a besoin de se sociabiliser auprès de ses pairs. Il est nécessaire de rappeler que l’homme n’est pas un homo-œconomicus, obnubilé par la rationalité économique, mais un animal social aspirant pour la plus grande majorité d’entre eux à une vie épanouissante.
Il est nécessaire que, libéré des contraintes du travail, chacun dispose de temps pour se reposer, vivre en famille, rencontrer les autres, avoir une vie sociale et bénéficier des diverses propositions culturelles, sportives, etc. qui lui sont offertes. Le dimanche laisse à chacun le choix de son emploi du temps, de ce qu’il fait ou ne fait pas, de qui il voit ou ne voit pas ; il est en cela un espace de liberté et de détente, au contraire de la semaine.
Le dimanche permet de se donner un équilibre de vie souvent mis à mal par le rythme de la semaine.
A terme, l’affaiblissement puis la suppression du repos dominical sur lequel notre pays a forgé son économie sera un facteur très déstabilisant pour la cohésion nationale, transformant le citoyen en simple consommateur.
- Une société de loisir nuisible à elle-même ?
Quel serait réellement l’intérêt d’une ouverture le dimanche en dehors des zones touristiques. Les consommateurs ont-ils réellement besoin d’une ouverture le dimanche ?
L’économie et le travail ne sont pas le dernier mot d’une vie sociale. Jour de liberté, de détente, de repos, le dimanche est également le temps des retrouvailles entre générations, adultes, jeunes et enfants, quelles que soient leurs activités (école, études, entreprises privées ou publiques, etc.). Le dimanche permet de libérer un espace pour le jeu et la conversation entre les hommes. Détournant l’une des fonctions première de l’homme, celle de donner la vie, de fonder une famille, cette déréglementation du travail dominical sera un coup de plus porté à la famille.
Le père ou la mère de famille sera sommé de travailler le dimanche puisque la situation économique l’exigera, mais qu’adviendra-t-il des enfants ?
La loi du 13 juillet 1906, instituant que « le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche » et insérée dans le Code du travail, est un acquis social qu’il importe de respecter.
Ce projet de loi, pavé de bonnes intentions, n’aura pour conséquence que de rapprocher une fois de plus l’homme de l’enfer.
Déstabilisant tout repère culturel, déracinant l’homme pour le transformer en machine condamnée à s’adapter aux contraintes économiques, ce projet est contraire à toute notion de progrès et de développement.
Le rôle du politique n’est pas de veiller à l’intérêt des corporations, mais à celui de la nation.
In fine avec ce projet, c’est la nation qui est attaquée !
Un choix se pose aux parlementaires. Accepter ce projet sous prétexte qu’il faut s’adapter à l’économique, quitte à sacrifier encore une fois l’une des bases de notre cohésion nationale, ou bien réaffirmer la prééminence du politique et de l’homme sur l’économique.