Mehdi Nemmouche, le tortionnaire français.
Ce fut la révélation de la semaine passée, Medhi Nemmouche, le présumé responsable du quadruple assassinat au musée juif de Bruxelles le 24 mai 2014, français, récidiviste et islamiste convaincu, aurait été geôlier et tortionnaire de quatre journalistes français en Syrie. La nouvelle, longtemps cachée par les journalistes libérés depuis le 18 avril 2014, vient d’éclater au grand jour et amène à se poser de graves questions sur la sécurité intérieure de la France et sur les moyens mis en œuvre pour combattre le terrorisme islamiste en France et au Moyen Orient.
La France championne de l’approvisionnement en djihadiste occidentaux.
On le savait, le djihad en Syrie et en Irak attire de plus en plus d’occidentaux, dont de nombreux individus ayant la nationalité française. Selon Soufan Group, un organisme de renseignement basé à New York, près de 3000 occidentaux ont rejoint les rangs des djihadistes de l’Etat islamique. Parmi eux, près d’un tiers seraient Français, entre 700 et 1000, ce qui en proportion revient à 11 personnes pour un million d’habitants. La France remporte donc tristement la première place de fournisseur de djihadistes occidentaux. Parmi ceux-ci, 10 à 15% seraient des femmes, souvent jeunes et le phénomène s’amplifie avec le départ de familles entières. La Grande-Bretagne a été choquée de reconnaitre les accents londoniens des assassins qui ont égorgé les deux journalistes américains. La France n’est malheureusement pas en reste avec des individus comme Medhi Nemmouche.
Medhi Nemmouche, multirécidiviste condamné sept fois, emprisonné entre 2007 et 2012, a mené un an de djihad en Syrie. Répertorié comme islamiste après une radicalisation en prison, il réussit à rejoindre la Syrie, 27 jours seulement après sa libération. Surtout à son retour, après une détection par les services allemands, il disparait pendant deux mois jusqu’à la tuerie de Bruxelles. Aujourd’hui les nouveaux témoignages nous renseignent sur son rôle en Syrie. Il aurait été présent dans l’ancien hôpital ophtalmologique d’Alep, le lieu de détention des quatre journalistes français enlevés en Syrie en juin 2013. Surnommé « Abou Omar le cogneur », il aurait fait preuve d’une grande brutalité envers les otages. Surtout il est accusé de torture sur les prisonniers syriens. Décrit comme obsédé par Mohammed Merah, il se serait vanté de vouloir préparer un attentat sur les Champs Elysées le 14 juillet, pour faire cinq fois plus de victimes que son prédécesseur. Cette information a toutefois été démentie par le ministre de l’intérieur.
Une disparition préoccupante
Trois semaines seulement après sa sortie de prison, Medhi Nemmouche a donc réussi à échapper à la surveillance des services français et à se rendre en Syrie. Un an plus tard, de retour et repéré grâce aux services allemands, il est inscrit comme personne à surveiller par la DCRI. De nouveau, pendant deux mois et jusqu’à l’attentat et son arrestation il disparait, loin de tout contrôle.
Il est légitime de se demander comment un ex-détenu, connu pour son fondamentalisme en prison, réussit à déjouer, trois semaines après sa libération, une présumée surveillance. Comment se fait-il qu’à son retour en France, après un an de djihad certifié en Syrie, il ne soit pas inquiété et réussisse de nouveau à disparaitre, avant l’issue tragique de Bruxelles ?
Un groupe djihadiste terrible
Tous ces Occidentaux et Français de nationalité sont attirés par l’Etat islamique. Ce groupe djihadiste, actif depuis 2007, a pour projet la création d’un califat islamique au Levant, à cheval sur le Liban, la Syrie et l’Irak. Ce califat a été proclamé sur les territoires syriens et irakiens tenus par les djihadistes. Le groupe s’est renforcé avec le conflit syrien, accueillant de nombreux combattants locaux et étrangers et parfois français et s’imposant comme force première de la rébellion, y commettant des exactions terribles. En Syrie, il est responsable de crucifixions de chrétiens, organise des exécutions publiques de soldats alaouites, commet des destructions contre les sanctuaires chrétiens, tue parfois des chefs rebelles concurrents ou des journalistes occidentaux. Au début de l’année, ses forces étaient estimées à plus de 10 000 combattants. On estime ses ressources à plusieurs milliards de dollars issus de la prise de Mossoul et de la vente du pétrole à prix réduit à des pays peu scrupuleux. En Irak, sa progression fulgurante a entraîné l’exil forcé de près de 300 000 chrétiens et le massacres de chiites et yazidis. Le Kurdistan autonome irakien se pose pour l’instant garant des minorités, attendant le support des puissances occidentales.
La France et la lutte contre le djihadisme
Sans revenir sur le soutien plus ou moins actif de la France aux djihadistes, c’est le retour sur le territoire de Nemmouche qui pose question. La France doit tout faire pour que de tels individus entraînés, formés au maniement des armes et ayant commis de nombreux crimes, ne puissent plus revenir en toute impunité sur le territoire national. Aujourd’hui des centaines de djihadistes sont revenus en France et peuvent continuer à embrigader et former des nouvelles filières et recrues.
Un plan de lutte contre le terrorisme doit être adopté à l’Assemblée nationale pour lutter efficacement contre les actes de terrorisme, tout en respectant les règles d’un Etat de droit. Ce plan s’attache tout d’abord à interdire tout départ quand on suspecte un candidat au djihad. Malheureusement des filières organisées permettent le départ de jeunes avec ou sans autorisation des autorités. Il s’agit aussi de lutter contre la propagande djihadiste en France et l’apologie d’organisations terroristes. Sanctionner cette propagande est bien, mais empêcher directement les djihadiste sur le retour de la faire serait mieux. Des mesures d’expulsion contre des prédicateurs étrangers pourront sans doute être prises.
Le gouvernement des Pays-Bas veut déchoir de leur nationalité hollandaise ses binationaux partis faire le djihad en Irak ou en Syrie. La France devrait en faire de même avec ses ressortissants binationaux, empêchant leur retour sur le territoire. Restera la question des djihadistes seulement français.
La France doit prendre la pleine mesure de ce qui se passe en Irak et en Syrie. L’archevêque chaldéen de Mossoul, Monseigneur Emil Nona nous a lancé un avertissement en déclarant : « nos souffrances d’aujourd’hui sont un prélude aux vôtres, chrétiens européens et occidentaux qui souffrirez aussi dans un proche avenir […] vous devez prendre des décisions fortes et courageuses même si elles contredisent vos principes […] si vous ne comprenez pas ceci très vite vous allez être les victimes de l’ennemi que vous avez accueilli chez vous. »