Modulation des allocations familiales : la fin de la politique familiale « à la française » ?
Un changement de politique
Marisol Touraine ne cesse de le répéter : la modulation des allocations familiales ne concernera que 12% des ménages et l’universalité de la politique familiale est sauve. Mais en réalité, en touchant à la politique familiale de cette marnière, le Gouvernement fait passer une aide, qui vise à compenser les charges qu’impliquent des enfants, en un nouvel impôt. Son versement n’est plus fait en fonction du nombre d’enfants mais en fonction des revenus. De nombreux frais concernant les enfants étaient déjà indexés sur les revenus, comme les prix de la cantine ou les frais d’assistance maternelle. Il s’agit donc d’un supplément, dans une logique de redistribution plutôt qu’une logique de natalité.
Cette modulation était présente dans l’accord passé entre Valls et le Parti radical de gauche. Ce dernier souhaitait d’ailleurs également que la 1ère tranche soit supprimée. Nous pouvons donc toujours craindre un pas de plus prochainement, la réforme ne concernera alors peut-être plus que les 12% annoncés.
Enfin, cette mesure présente un risque de fracture entre les bénéficiaires des prestations et ceux qui la financent. La justice sociale passe par les impôts. Or, jusqu’à présent, les allocations familiales échappaient à cette logique. Il s’agit d’un réel glissement d’une politique de natalité vers une politique de redistribution. En poussant la logique un peu plus loin, les cotisants pourraient bientôt craindre de ne plus être remboursés autant que les autres pour leurs frais médicaux.
C’est tout un système qui est détruit, pour 700 millions d’€ d’économies, sur un budget total de la Sécurité sociale qui s’élève à 450Md€.
Aucune raison économique
La branche famille, dans sa politique familiale, n’est pas en déficit. Elle pourrait même être excédentaire de 6Md€. Les 3Md€ de déficit de la branche famille sont dus aux missions retraite, qui devraient être du ressort de la branche vieillesse et qui comptabilisent donc un déficit de 9Md€.
De plus, les coûts de gestion de la protection sociale s’élèvent à environ 35 Md€. 500M€ d’économies sont demandées sur la gestion des organismes de la protection sociale. Or, les 700M€ demandés à la branche famille ne représentent que 2% de ces dépenses. Il faudrait sans doute envisager des réductions de coûts de gestion plus importantes, plutôt que de chambouler de cette façon notre politique familiale.
Enfin, une autre voie envisageable serait celle de la modulation du supplément de traitement fait aux fonctionnaires, qui vient s’accumuler aux allocations familiales. Cette aide est proposée dès le 1er enfant et se compose d’une part fixe et d’une part variable basée sur le traitement, c’est-à-dire qu’un haut fonctionnaire percevra plus qu’un agent de catégorie C. Elle représente environ 2Md€ et pourrait donc être abaissée au même montant pour tous les fonctionnaires, afin que les salaires les plus élevés de la Fonction publique ne reçoivent pas plus que les autres. Ceci irait dans le sens de justice sociale voulue par Marisol Touraine.
Les difficultés de l’application
Deux difficultés d’application majeures peuvent être pointées du doigt, par la mise en place de cette nouvelle mesure :
- Des complications pour la Caf sont attendues, avec une augmentation des frais de gestion. En effet, jusqu’à présent, le versement des allocations familiales était des plus simples. Après la mise en place de la modulation de ces allocations, elle prévoit le besoin de 600 personnes supplémentaires, afin de traiter les dossiers, pour un montant de 60M€ environ. De plus, l’information du revenu des familles est détenue par la Direction générale des finances publiques. La Caf va donc devoir intensifier ses rapports avec cette dernière, ce qui nécessiterait une mise à niveau du système informatique, avec un chantier de plus de 6 mois. Enfin, Jean-Louis Deroussen, président de la Caisse nationale des allocations familiale, estime l’adaptation du versement après tout changement de revenu à environ 20€ par dossier, chaque année.
- Une autre difficulté est identifiée : le cas des résidences alternées. Jusqu’à présent, les allocations pouvaient être partagées entre les deux foyers. Avec cette mesure, selon quelles ressources appliquer la modulation ?