Crèches de Noël dans les mairies : quand la jurisprudence donne raison aux traditions françaises
Dans son rapport de novembre 2015, l’Association des Maires de France propose un vade-mecum sur la laïcité visant à faire adopter aux personnels publics une « bonne conduite laïque ». Il tend à réaffirmer les expressions de la laïcité, jugé comme le creuset de l’identité républicaine. Au nom de la neutralité des bâtiments publics, il estime ainsi que toute expression religieuse au sein d’un bâtiment public n’est pas compatible avec l’expression de la laïcité.
Ainsi, les « crèches de Noël en mairie ou dans des bâtiments publics [nuirait] à la compréhension de la règle par les élus et par les citoyens » (1). Soulignant que ce type d’installation est contraire à l’application de la loi de 1905, il annonce qu’il serait déplacé d’installer des crèches au sein des mairies.
Pour autant, la jurisprudence administrative reste tout à fait discordante sur le sujet (2). Ainsi, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 13 octobre 2015 (crèche dans l’hôtel du département de la Vendée » indique ainsi : « compte tenu de sa faible taille, de sa situation non ostentatoire et de l’absence de tout autre élément religieux [ndlr. que les sujets représentant Marie et Joseph accompagnés de bergers et des rois mages entourant la couche de l’enfant Jésus] elle s’inscrit dans le cadre d’une tradition relative à la préparation de la fête familiale de Noël ».
Le caractère traditionnel d’une crèche de Noël étant indéniable, vouloir mettre un terme à son installation constitue une violation de l’histoire et de la culture française ; le Conseil d’Etat a par ailleurs reconnu qu’il était contraire de bannir ce type de tradition locale française à plusieurs reprises.
Au nom de la laïcité, l’AMF revient à plusieurs reprises sur la nécessité de garder un œil vigilant sur les « manifestations traditionnelles » (3) ; le passé étant, de fait, marqué par ses racines chrétiennes, il ne saisit que des exemples de manifestations chrétiennes (« processions, troménies, baptêmes de navires, bénédiction de bâtiments,… ». Ce faisant, il contrevient nécessairement à une négation de la culture française mais porte atteinte à l’article 1er de la Constitution (4).
Demander l’éviction des crèches de Noël constitue une revendication illégitime, notamment en regard de ce que l’AMF défend par ailleurs. Appelant à instaurer des ‘’cérémonies républicaines’’, elle laisse ce type de cérémonie « symbolique […] à l’appréciation des maires qui restent libres de la célébrer ou pas » (5). Traitement distinct, relevant d’un « deux poids deux mesures » contestable, dont les interprétations pourraient de fait mener à l’exercice d’une diffamation religieuse ciblée (6). Contester aux maires souhaitant mettre en place des crèches, modestes installations au caractère traditionnel profond – au contraire desdites cérémonies républicaines – consiste à vouloir limiter leur liberté de conscience.
Vouloir mettre fin à une installation traditionnelle comme la crèche de Noël est inique ; si l’on suit les perspectives de l’Association des Maires de France, Noël, qui fête la naissance du Christ, devrait être supprimé au nom du respect de la laïcité. Mais son caractère éminemment historique, ancré dans les traditions relatives à l’identité chrétienne française l’inscrit de facto dans une coutume qu’il serait vain de vouloir abroger.
(1) Vade-mecum de l’Association des Maires de France, novembre 2015, p. 16.
(2) Conseil d’Etat, 11 mai 1938, Moneteau, recueil, p.408 ; Conseil d’Etat, 12 juillet 1938, Abbé Ratier, recueil, p.661).
(3) Vade-mecum de l’Association des Maires de France, novembre 2015, p. 14.
(4) Constitution du 4 octobre 1958, article 1er : « La République […] respecte toutes les croyances. »
(5) Vade-mecum de l’Association des Maires de France, novembre 2015, p. 17.
(6) Condamné en vertu de la loi du 1er juillet 1972, relative à la lutte contre le racisme.