« France : destination impunité » : la nouvelle campagne d’Amnesty International
Amnesty International a lancé à la fin du mois d’octobre 2015 une campagne de communication sur le thème « France : Destination Impunité ».
La campagne de presse
Avec cette nouvelle campagne de lobbying, l’organisation Amnesty International cherche à convaincre le gouvernement d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale et à faire amender un projet de loi adopté au Sénat en 2013. Ce projet de loi doit achever la mise en conformité du droit pénal français avec les exigences du Statut de Rome (instituant la Cour Pénale Internationale) en rendant compétentes les juridictions françaises pour juger certains crimes particulièrement graves (génocides, crimes contre l’humanité, etc.) n’ayant pas été commis sur le sol national et dont ni les coupables et ni les victimes ne sont français (principe de la compétence universelle).
- Etat du droit français concernant la compétence universelle
Le code pénal prévoit qu’une liste restreinte de crimes puissent être jugés en France en dépit de l’absence des conditions de nationalité et de lieu qui sont limitatives du droit français. Cette liste comprend les crimes de torture, de disparitions forcées ou encore de terrorismes, mais n’inclue pas les actes de génocides ou de crimes de guerre, qui sont considérés dans une autre loi (loi du 9 août 2010) prévoyant cette fois certaines conditions limitatives (de résidence et de double incrimination notamment). La campagne d’Amnesty International vise donc à corriger cet apparent paradoxe.
- Les dispositions judiciaires prévues par la CPI
La CPI, instituée par le Statut de Rome en 1998 et constituée de 123 Etats parties (ainsi que de nombreuses organisations non-gouvernementales, dont Amnesty International) a pour objectif de lutter contre l’impunité des coupables de crimes particulièrement graves, au même titre que d’autres tribunaux internationaux (pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie) mais dont la compétence est restreinte à une période et un endroit donnés. La CPI dispose donc que chacun des Etats en partie est compétent pour juger ces types d’affaires sans aucune condition de territorialité et se doit d’adapter sa législation en conséquence, instaurant de fait un principe d’ingérence judiciaire auprès des Etats non-partie au Statut de Rome. Cette disposition ne concerne toutefois qu’une centaine de procédures en totalité dans le monde, avec des exemples de criminels argentins jugés en Espagne pour des faits commis en Argentine et de criminel espagnols jugés en Argentine pour des faits commis en Espagne.
Quelques appréciations
- Le faux paradoxe de la compétence universelle en France :
Aujourd’hui, le droit français reconnaît aux juridictions nationales la compétence pour juger une partie des crimes seulement de la liste des actes relevant de la compétence universelle selon la CPI. Cette adéquation partielle de la législation avec le Statut de Rome s’explique par la définition restrictive du crime contre l’humanité selon le Code pénal français et donc la volonté de ne pas banaliser l’emploi de ce type de qualification pénale réservé en général à une partie bien définie de notre histoire nationale. Enfin, il faut observer que tous les crimes qui ne sont pas considérés dans le droit français comme relevant de la compétence universelle mais mentionnés par la CPI peuvent être facilement qualifiés et sanctionnés sous les dénominations de tortures, disparitions forcées, esclavage, etc.
C’est ainsi que le gouvernement français a récemment ouvert une enquête préliminaire à l’encontre du gouvernement syrien sous l’accusation de crimes contre l’humanité, en reconnaissant que cette qualification correspondait à des suspicions d’actes de tortures et de disparitions forcées. Il apparaît donc que la législation actuelle est largement suffisante pour le jugement d’éventuels criminels internationaux de passage en France, et que l’inaction de la justice française est avant tout liée à l’absence de volonté politique, ce qui indique donc l’inanité de la campagne d’Amnesty International.
- De la pertinence d’une évolution de la législation française sur la compétence universelle :
En dehors de tout débat idéologique, il est frappant de constater le faible nombre de procédures judiciaires concernant des crimes contre l’humanité ou de guerre dans les pays signataires du Statut de Rome : à ce jour, seule une centaine de procès sont en cours. Est-il vraiment indispensable d’ajouter une nouvelle loi au millefeuille législatif français pour un cas juridique qui se posera moins de quatre ou cinq fois par an ?
- La loi française prévoit déjà l’ensemble des situations afin d’empêcher un criminel coupable de crime contre l’humanité de séjourner librement en France :
En effet, la protection des frontières commence là où s’arrêtent les compétences des différentes juridictions.
i. Le principe fondamental de territorialité prévoit que la justice nationale est compétente pour toute affaire située sur le sol national ou s’y rattachant. Par défaut, les cours françaises sont également compétentes lorsque le(s) coupable(s) est (sont) français ou lorsque la(les) victime(s) est (sont) française(s).
ii. Si aucune des trois conditions ci-dessus n’est remplie, le gouvernement français peut extrader un étranger sur demande de son gouvernement dans le cas d’un crime commis à l’étranger
iii. Enfin, aux autorités françaises la responsabilité de contrôler les populations étrangères présentes en France, donc d’interdire aux criminels coupables de crimes contre l’humanité ou suspectés tel tout séjour sur le sol national, et de les expulser si certains s’y trouvent déjà.
- La compétence universelle et le principe de subsidiarité :
Dans le domaine de la justice internationale, la subsidiarité des institutions implique qu’une cour internationale n’a de légitimité qu’en cas de défaillance de l’ensemble des échelons judiciaires inférieurs. Dans la pratique, cela se traduit par un tribunal dont les seules procédures concerneraient les personnes expulsées par leur pays d’adoption et dont le pays d’origine ne dispose pas ou plus de véritable institution (puisqu’une cour internationale ne peut techniquement pas intervenir directement et de manière isolée dans les affaires légales d’un pays hypothétiquement démuni de tout ordre public). En aucun cas, la compétence d’une institution supranationale à juger d’une affaire concernant un pays disposant de sa propre justice ne peut être acceptée, et à fortiori quand la procédure judiciaire est instruite par un pays tiers.
Telle que mise en œuvre par le Statut de Rome, la compétence universelle est réservée à la Cour et aux Etats parties, alors que les procédures peuvent concerner l’ensemble des régions du monde. Un Etat non partie à la CPI peut en effet se voir imposer une enquête concernant une affaire située sur son sol lorsque le Conseil de Sécurité de l’ONU saisit la CPI, qui elle-même peut demander à un Etat partie de se charger de l’exécution du procès. A l’inverse, un Etat non partie à la CPI ne se verra jamais reconnaître sa compétence pour juger des crimes graves ayant eu lieu dans un pays signataire du Statut de Rome. Comme d’autres institutions internationales, la CPI est donc largement un instrument de domination idéologique mondialiste et anglo-saxonne, à l’opposé de la défense des identités nationales et particulièrement de l’identité française.