La PPL relative aux nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie vient d’être adoptée par la Commission des affaires sociales, sans changement majeur.

Alain Claeys voulait « une sédation profonde et continue » en fin de vie, permettant aux gens « de partir doucement et sans souffrance ». Il déclare  être opposé au suicide assisté et à l’euthanasie car « à partir du moment où on lève un interdit, on ouvre la voie à plus en plus de transgressions ». Dès lors sa proposition de loi parait surprenante, en décalage total avec ses propos.

Le vendredi 12 décembre 2014 les députés Alain Claeys et Jean Leonetti ont remis leur rapport et leur proposition de loi « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes  en fin de vie » au président Hollande. Loin de faire consensus ce projet est décrié par les anti comme les pro euthanasie, estimant qu’il va trop loin (ce qui est le cas) pour les premiers et pas assez loin pour les seconds.

Les propositions faites sont de trois ordres :

– le développement de la médecine palliative avec une meilleure formation des professionnels de santé.

– une meilleure organisation du recueil et de la prise en compte des directives anticipées (caractère contraignant).

– définition des circonstances précises sur lesquelles l’apaisement des souffrances peut amener à abréger la vie (introduction de la sédation terminale).

La volonté de formation des médecins et notamment des étudiants en médecine aux questions de la fin de vie et aux soins palliatifs est une bonne chose. Pour le reste cette proposition de loi est alarmante.

 

Dignité et fin de vie :

L’article 1 indique que « Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée ». Ces deux termes (dignité et apaisement) ne sont pas précisément identifiables par le droit français. Il semble en outre difficile à l’Etat de procurer ces deux qualités qui échappent largement à son pouvoir ainsi qu’à celui de la médecine. Dans quelle mesure le professionnel de santé peut-il aider une personne en fin de vie, dont la situation familiale par exemple exclut d’office tout apaisement ?

Quels sont les critères de dignité que ce nouveau droit inclut? En cas de litige juridique avec le médecin, une famille pourra-t-elle réclamer la reconnaissance de l’indignité d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer? Quelle sera dès lors la position du juge ? Aura-t-il le pouvoir de définir la dignité ou l’indignité d’une personne humaine 

Il est enfin essentiel de se pencher également sur l’expression « fin de vie ». Comment déterminer ce qu’est ou ce que n’est pas la fin de vie ?

Sur cette question, les députés s’en remettent à la déclaration de Manuel Valls (p20 du rapport) : « Il n’existe aucune définition médicale de la phase terminale, c’est pourquoi nous retiendrons les termes de la lettre de mission du Premier ministre : la phase terminale de la vie est celle où le pronostic vital est engagé à court terme ». Outre la question de l’habilitation et de la compétence du Premier ministre à définir médicalement la phase terminale, plusieurs questions demeurent sans réponse. Une personne dont le pronostic vital est engagé à court terme va-t-elle nécessairement mourir ? Comment apprécier la notion de « court terme » ?

 

Le médecin, objet de la volonté du patient :

L’article 1 se termine par « Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour satisfaire ce droit ». Les professionnels de santé sont considérés comme les garants de ce nouveau droit. Pour cela, ils peuvent mettre en œuvre « tous les moyens à leur disposition ». Ces moyens doivent-ils être considérés comme les moyens de droit ou les moyens de fait ? Dans la mesure où le périmètre du droit est incertain – dignité et apaisement – comment le médecin pourra-t-il apprécier l’adéquation des moyens employés par rapport à la situation de son patient ?

Ce projet de loi veut rendre les directives anticipées (qui « expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions du refus, de la limitation ou l’arrêt des traitements et actes médicaux ») contraignantes (article 8). Cela signifie que le médecin ne peut refuser ces directives. Il devient alors l’outil de la volonté du patient. On peut noter ici qu’une telle disposition est inspirée par une fausse dialectique, imposée par les partisans de l’euthanasie, et qui consiste à opposer les soignants et les patients. Dans leur logique, le patient est une victime, et le soignant un bourreau, obsédé par l’acharnement thérapeutique.

L’article 5 est clair « Le professionnel de santé a l’obligation de respecter la volonté de la personne ».

L’hydratation et la nutrition comme traitements donc interruptibles:

Le législateur propose d’acter dans la loi la décision du Conseil d’Etat du 24 juin 2014, qui affirme que l’hydratation et l’alimentation artificielle constituent bel et bien des traitements, excluant par là même toute possibilité de revirement de jurisprudence.

L’article 2 précise ce qui était une zone floue de la Loi Leonetti : « La nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. » Ce qui implique qu’en tant que traitements ils sont donc interruptibles. Sans revenir sur le débat de fond, il est intéressant de noter que dans le corps du texte du rapport, les deux députés se réfugient derrière cette décision du Conseil d’Etat, en qualifiant l’alimentation et l’hydratation artificielle comme des traitements « de survie ».

Les deux députés notent encore : « Nous ne pouvons que reprendre le sens de cette décision qui devrait contribuer à mettre fin à des pratiques malheureusement encore répandues de sédation avec maintien de la nutrition, ou, plus souvent encore, de l’hydratation. »

La logique de la remarque est intéressante. Elle signifie qu’une sédation ne débouchant pas sur la mort, en raison du maintien de l’hydratation et/ou de l’alimentation, est « une pratique malheureuse ». 

 

La sédation terminale ou l’euthanasie qui ne dit pas son nom :

Cette sédation terminale, mesure phare du projet de loi, est introduite dans l’article 3 : « le médecin applique le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès. »

La première condition est extrêmement significative de l’esprit de la loi, et permet de répondre un peu plus précisément aux questions posées par le choix du terme de dignité à l’article premier. Il est en effet stipulé qu’une personne peut demander au médecin de procéder à la sédation finale, accompagnée d’un arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, afin de ne pas « prolonger inutilement sa vie ». Il serait ici encore intéressant de connaître la position du législateur et du juge sur le terme « inutilement ». Dès lors comment juger si une vie est utile ? Faut-il le faire et qui doit le faire ?

L’utilité d’une vie est-elle le critère de dignité de la vie humaine ? En cas de litige, quel sera « l’esprit du législateur » retenu par le juge pour trancher ?

Est également stipulé : « un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie ». Les législateurs le précisent toute sédation doit s’accompagner automatiquement de l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation. Une sédation finale sans arrêt de l’alimentation et de l’hydratation constitue pour le législateur « une pratique malheureuse ». 

 

Dès lors, doit-on considérer que le but de cette sédation est de soulager la souffrance, ou au contraire de masquer les conséquences d’une mort par la faim et la soif ?

La mort par arrêt d’alimentation et d’hydratation est-elle conforme au droit à la fin de vie dans la dignité instauré par l’article 1 de la PPL ?

Lors de l’injection des sédatifs, la volonté du soignant est-elle de soulager, ou alors de tuer, conjointement à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielle ?

Ce projet de loi est officiellement décrié par les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté comme l’ADMD, le jugeant à juste titre profondément hypocrite. Ce projet vise à légaliser des pratiques euthanasiques qui refusent de dire leur nom. La sédation terminale jusqu’à la mort est une euthanasie déguisée, elle vise délibérément à provoquer la mort. Dès lors les arguments seront prêts pour un basculement à court terme vers une loi autorisant l’euthanasie et le suicide assisté. Ce projet de loi en annonce les prémices. S’il est adopté en l’état, c’est l’euthanasie qui est légalisée.

 

 

 

 

Rédacteur Web