Législatives partielles : quelles premières conclusions ?
L’effet Charlie n’aura pas tenu longtemps, au grand regret du gouvernement et des dirigeants politiques qui espéraient bénéficier encore un peu de « l’esprit du 11 janvier », leur permettant d’occulter le plus longtemps possible les problèmes auxquels sont confrontés les Français. Mais ceux-ci reprennent vite pied, étant moins déconnectés de la réalité qu’une certaine classe politico-médiatique.
Après le récent sondage IFOP créditant Marine le Pen de 30 % d’intentions de vote aux prochaines élections présidentielles, l’arrivée en tête de Sophie Montel, candidate Front National, au premier tour des législatives partielles dans le Doubs, a définitivement sonné la fin de la période d’apesanteur politique.
Rappel des chiffres
Dans l’ancien fief de Pierre Moscovici, la candidate du parti de la droite nationale a augmenté son score de 9 points par rapport à 2012. Elle obtient ainsi près de 33 % des voix, au lieu d’un peu moins de 24 % deux ans et demi plus tôt. Comme l’a rappelé le directeur du département opinion de l’IFOP Jérôme Fourquet, « les 25 % que le Front National a obtenu aux européennes, loin d’être un nouveau plafond de verre, constituent au contraire un nouveau plancher ». Le score du parti socialiste s’est littéralement effondré : 12 points de moins pour Frédéric Barbier (28,85 % contre 40, 81 % pour l’ancien ministre en 2012). Enfin le candidat UMP Charles Demouge a été éliminé dès le premier tour en n’obtenant que 26, 54 % des voix. Celui-ci était déjà à la troisième place en 2012, avec 23,21 % des suffrages.
L’abstention de ce scrutin s’est élevée à 60,4 % du corps électoral de la circonscription. Un taux resté stable depuis la législative de 2012.
La tentation du « front républicain »
Le candidat socialiste compte bien l’emporter dimanche au second tour grâce à l’appui des voix de l’UMP qui se reporteraient à gauche. Espoir entretenu notamment par les positions d’Alain Juppé ou de Nathalie Kosciusko-Morizet, ayant tous deux explicitement appelé à voter pour le parti socialiste. La position du président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, est plus nuancée, même si elle ne laisse guère de doutes sur ses intentions. Pour lui, les électeurs sont libres, même s’il ne souhaite pas pour autant la victoire du Front National. Le bureau politique de l’UMP a fini par décider de s’en remettre au « ni-ni » contre le « Front national qui doit être combattu avec la plus grande fermeté» et «la présidence de François Hollande qui a conduit la France dans une impasse ».
Dans une tribune écrite dans le FigaroVox, Sens Commun fait ce rappel salutaire :
«Si chacun vote en conscience, alors il vote PS», exposait explicitement Michel Sapin, lundi sur Europe 1. Au PS, la conscience, ça se dicte, et refuser de voter ou d’appeler à voter pour la gauche, c’est donc devenir de facto l’ennemi de la République. Et la droite d’hésiter comme une jeune première, face au piège grossier que la gauche lui ressort à chaque élection ou presque…
« […] que reste-t-il de la démocratie quand certains s’arrogent le droit de qualifier un vote de bon et l’autre de mauvais ? Nous ne pouvons plus tolérer de perdre notre temps dans un chantage aussi fallacieux, qui confisque une fois de plus le débat de fond. Qui sont-ils, ces censeurs autoproclamés, pour ostraciser de la communauté nationale ceux qui ne votent pas assez bien à leur goût ? La République n’est pas un monopole : en la récupérant à son seul profit, la gauche dite « républicaine » la vide par là même de son sens. Une fois de plus, elle se juge habilitée à exclure du débat démocratique des millions de Français. Mais si elle n’aime pas un certain type d’électeurs, c’est qu’elle n’aime qu’une partie de la France et qu’elle est donc incapable de rassembler notre pays. Et si elle estime que plusieurs millions de Français ne savent pas voter, pourquoi maintenir la démocratie plus longtemps ?
Consciente qu’on ne gagne pas face à un adversaire en lui déniant le droit d’exister, la droite doit enfin refuser le jeu médiatique et replacer la confrontation sur le plan des idées et de la politique à mener. C’est sur ce plan-là que Sens Commun entend se battre et c’est sur ce plan-là que le citoyen prend sa décision libre et responsable. »
Les raisons de la percée du Front National
L’électorat de droite réclame que ses représentants adoptent un positionnement de droite. Aussi simple que cela. Le candidat UMP a déserté ce créneau pour tenter de récupérer le plus de voix sur sa gauche, prisonnier de son alliance avec les centristes. Il expliquait même, devant les caméras de BFM-TV, que dans sa circonscription « ce sont les bons petits blonds qui m’emmerdent (sic !) et pas les gens qui viennent de l’immigration. » Le député UMP Philippe Meunier a estimé sur les réseaux sociaux qu’un candidat se réclamant de la droite capable d’une telle déclaration méritait de perdre.
Sophie Montel a quant à elle axé sa campagne sur le chômage, la désindustrialisation de la région, et la montée de l’insécurité liée notamment à l’islamisation des quartiers. Moralité : elle arrive en tête du scrutin.
Ces faits donnent ainsi raison au politologue Patrick Buisson, qui théorisait un virage à droite de l’électorat français dans son ensemble, et a infléchi en ce sens la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, lui assurant une défaite moins lourde que prévue. N’en déplaise à Alain Juppé ou à Nathalie Kosciusko-Morizet, la stratégie consistant à recentrer la ligne politique de l’UMP est vouée à l’échec, et ne servira qu’à faire passer la gauche à chaque élection. Rappelons enfin que la majorité des militants du parti sont en faveur d’une alliance à l’échelon local avec les candidats du Front National.
Les dirigeants politiques sont là pour servir et être à l’écoute du peuple, et non pour lui dicter une marche à suivre. L’UMP serait bien inspirée de s’en souvenir.