Rapport annuel de la laïcité : quel bilan ?
Lutter plus fermement contre le repli communautaire, empêcher la ghettoïsation par la mise en place de politiques publiques plus fortes : tels sont les objectifs réaffirmés de l’observatoire de la laïcité dans son rapport annuel pour l’année 2015-2016.
- Traitement médiatique des questions touchant au principe de laïcité en France.
L’observatoire de la laïcité avertit contre les dangers que peut représenter la presse quant à la question de la laïcité. Dans ce rapport l’observatoire rappelle que la laïcité est une notion complexe que peu maîtrisent totalement, et que le traitement partisan d’une notion visant par-dessus tout le vivre ensemble conduit à des incompréhensions entraîne l’effet inverse.
En ce sens, l’observatoire de la Laïcité mène de nombreuses actions : publications de guides pratiques à succès, formations à la laïcité, rédaction de modules de formation, réponses à toutes sollicitations dans un délai minimum, installations de référents laïcité dans chaque académie, soutien à l’enseignement civique et moral, à l’enseignement laïque du fait religieux, participation à la rédaction du livret laïcité du ministère de l’Éducation nationale, réalisation de vidéos pédagogiques à destination des 8-12 ans sur la laïcité, dialogue avec l’ensemble des cultes, réalisation d’états des lieux précis du respect du principe de laïcité, mise en place d’un Prix de la laïcité de la République française.
- Rappel à la loi et note d’orientation de l’Observatoire de la laïcité.
Le respect de la laïcité et son efficacité repose sur une intervention forte des pouvoirs publics. La laïcité est une condition essentielle du vivre ensemble, elle requiert la lutte constante contre les discriminations mais ne peut être invoquée pour résoudre tous les problèmes sociétaux.
Liberté de conscience, droit d’exprimer ses convictions publiquement dans le respect de l’ordre public, neutralité de l’État et de la République, Séparation des Églises et de l’État, enseignement public neutre : autant de garanties assurées par la Laïcité. A contrario, si la liberté est la règle et la règle l’exception, il existe des interdits de la laïcité : aucune religion ne peut imposer ses prescriptions à la République, au sein des écoles les élèves ne doivent être soumis à aucun prosélytisme, les établissements privés sous contrat ne peuvent déroger au respect des programmes établis par l’Éducation nationale, les agents d’une administration publique ne peuvent manifester de convictions religieuses, au sein d’une entreprise privée, l’expression de convictions religieuses peut être limitée, par le règlement intérieur si cela est proportionné à l’objectif recherché et justifié par la nature de la tâche à accomplir.
La Laïcité se définit comme le principe d’une liberté citoyenne, soucieuse de ses droits mais tout autant de ses devoirs envers l’intérêt général et l’ordre public. C’est ainsi que se définit historiquement la laïcité. L’application du principe de laïcité aujourd’hui se traduit par une liberté de pratique du culte sous réserve de l’infraction légale et de l’ordre public. Ici encore, la liberté est la règle et la règle d’exception. Sur cette base de réflexion sont interdits les comportements ou les tenues provocatrices faisant acte de prosélytisme, également interdit dans un souci de vivre ensemble et de respect d’autrui.
Après un état de lieux de la situation actuelle de la laïcité, l’observatoire fait une synthèse de rappels et de recommandations. L’état des lieux révèle une situation globale respectueuse de la laïcité. Les recommandations concernent principalement les universités ainsi que les médias, appelés à plus de vigilance.
Ce rapport réédite quatre guides pratiques sur les interactions entre la laïcité et différents secteurs d’activité (Laïcité et collectivités locales, laïcité et gestion du fait religieux dans les structures socioéducatives, gestion du fait religieux dans l’entreprise privé, Laïcité et gestion du fait religieux dans les établissements publics de santé.)
L’observatoire de la Laïcité a mis en place pour la première fois en 2015 le prix de la laïcité de la République française. Le premier prix de la laïcité a été remis à l’occasion d’un colloque organisé le 9 décembre 2015 en présence de Manuel Valls, Najat Vallaud-Belkhacem et Bernard Cazeneuve.
- État des lieux du respect du principe de laïcité en France et perception à l’étranger.
Au sein du service public et à l’égard des agents du service public, la laïcité se traduit d’une manière particulière eue égard au statut même d’agent public. Les usagers peuvent eux manifester leur appartenance religieuse dans les limites posées par la loi et sous réserve du bon fonctionnement du service. Les agents publics sont soumis à une obligation de neutralité mais conservent la liberté de conscience, sont protégés de la discrimination à l’embauche, et peuvent voir leur temps de travail aménagé, en revanche la manifestation d’une opinion religieuse sur le lieu de travail ou dans l’exercice des fonctions n’est pas autorisé. Pour remplir au mieux ces objectifs l’observatoire met en place plusieurs actions afin de sensibiliser les agents publics à une culture de laïcité dans la fonction publique. La Laïcité au sein d’une éducation républicaine est également un point central dans l’action de l’Observatoire.
L’État de son côté veille au respect et à la mise en œuvre du principe de laïcité, à travers l’organisation de formations, de subventions aux associations, d’une politique de dialogue interreligieux.
Dans son État des lieux, la pratique du culte en milieu pénitentiaire est également traitée faisant état principalement de l’importance de la sensibilisation des personnels aux principes de laïcité et de liberté religieuse, ainsi que de la formation des aumôniers.
Au sein des établissements de santé, les différentes sources d’information à disposition ne permettent pas de faire le constat de tensions croissantes à l’hôpital public ou dans le monde de la santé en général. La formation des personnels hospitaliers restent un objectif de l’observatoire. À ce titre le guide « laïcité et gestion du fait religieux dans les établissements publics de santé » publié par l’Observatoire de la Laïcité en 2016 constitue une étape importante.
La question de la gestion du fait religieux dans l’entreprise privée est également traitée par l’établissement d’un état des lieux, mais aussi par une analyse sur l’impact des attentats sur les relations de travail au sein des entreprises.
Ce rapport expose également la prise en compte du fait religieux à l’échelle internationale à travers le point de vue d’un diplomate. Il ressort de cette étude qu’à l’échelle internationale on constate une grande diversité des situations selon les différents contextes institutionnels au sein de chaque pays.
Il ressort des auditions des différents responsables des principales religions en France, présentées dans ce rapport le constat selon lequel ces auditions témoignent de la crainte renouvelée d’une extension du domaine de la neutralité et d’un recours contreproductif à d’éventuelles nouvelles lois.
De même l’observatoire a auditionné les responsables des principales obédiences maçonniques et des responsables de mouvements d’éducation populaire. La plupart ont analysé les difficultés sociales et identitaires, le manque de perspectives d’avenir, les discriminations comme autant de facteurs de replis religieux et/ou communautaires. Certaines structures s’inquiètent également de contraintes budgétaires toujours plus lourdes qui pourraient remettre en question leur présence dans certains territoires.
L’observatoire auditionne également des responsables d’associations promouvant la laïcité, ainsi que des responsables de mouvements d’éducation populaire.
Outre un rappel à la loi, le rapport de l’observatoire rappelle également les fondements européens de la laïcité. Dans un parallèle entre la laïcité et les arts, l’observatoire rappelle qu’une expression artistique irrévérencieuse à l’égard d’une croyance, aussi longtemps qu’elle respecte l’ordre public, ne constitue pas une atteinte au vivre ensemble, mais bien l’exercice de la liberté d’expression. La laïcité, c’est la liberté de conscience, donc la liberté religieuse dans le respect des droits pour toutes les religions, pour toutes les croyances, de se pratiquer dans le respect réciproque rappelle l’observatoire.
En conclusion on retire plusieurs constats de ce rapport de l’observatoire de la Laïcité :
- les formations à la laïcité se sont multipliées mais les autorités compétentes doivent plus inciter leurs agents à les suivre. Quant au secteur privé ils doivent assurer la diffusion la plus large possible des outils de gestion du fait religieux.
- la crise que nous connaissons dans de multiples domaines encourage le repli identitaire et les différents communautaristes qui conduisent dans certains cas à des pratiques religieuses réinventées.
- l’observatoire appelle l’état à œuvrer pour une plus grande mixité sociale ainsi qu’un dialogue franc et ouvert avec les cultes.
- les atteintes directes au principe de laïcité ne semblent pas en augmentation. l’Observatoire de la laïcité observe une prise de conscience sur ce sujet.
- la crainte d’un glissement de la laïcité vers une volonté de « neutralisation de la société et des individus » et de son instrumentalisation reste partagée au sein des organisations cultuelles et parfois dans le milieu socio-éducatif.
- le traitement médiatique gagne en objectivité mais continue de manquer de recul et créé des crispations et des confusions. L’Observatoire appelle les médias à la vigilance.
- les initiatives menées au niveau local par la collectivité ont un impact positif certain tout en restant le plus souvent méconnues. Ces initiatives doivent être mises en valeur.
- le principe de laïcité est mal compris dans plusieurs pays étrangers et interprété à tort comme un interdit. cela peut influer négativement sur les relations diplomatiques de la France.
N.B. Cette note faire la synthèse du rapport annuel de l’observatoire de la laïcité.