Retour sur le rôle de la gendarmerie nationale
La Gendarmerie Nationale est une force bicéphale qui fonde sa compétence sur une double expérience civilo-militaire. Le transfert de cette force militaire au ministère de l’Intérieur en 2009 n’a pas changé cette double capacité de police à statut militaire. Dans une époque troublée où l’usage de la force militaire pour des missions de police et de sécurité intérieure devient habituel, le modèle de la gendarmerie peut faire consensus. Il possède la capacité de passer d’une phase de conflit à une phase de stabilisation et de travailler au profit d’autorités diverses. Il dispose d’une grande cohérence doctrinale et est capable de planifier des missions multipartenariales. Tout cela a été révélé lors de l’engagement de cette force dans des opérations de maintien de la paix à l’étranger. En ce sens, la Gendarmerie Nationale mérite toute l’attention des décideurs.
Le retour d’expérience de la Force européenne de Gendarmerie (FGE) est à ce titre très enrichissant. Cette force est fondée sur l’organisation de la Gendarmerie française. Elle a été déployée dans plusieurs théâtres extérieurs afin de prendre le relais des forces armées et d’assurer la transition entre une coalition internationale et les autorités locales. La FGE est notamment intervenue en Bosnie-Herzégovine entre 2007 et 2010, en Afghanistan en 2009, en Haïti après le séisme de janvier 2010, à Bangui en 2014. Elle a ainsi développé des compétences adaptées aux situations instables de ces pays en transition politique. La protection de la force militaire, la gestion des personnes capturées, l’usage d’armes d’assaut en formations organisées, les missions de prévôté au profit des unités d’interventions sont autant d’expériences qui peuvent être rapatriées dans les doctrines d’emploi métropolitaines à l’heure du terrorisme aveugle.
Contrairement à la police – à l’exception des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) – la Gendarmerie fonctionne selon une organisation structurée et fortement hiérarchisée. Cela facilite son emploi en unités constituées, et en seules cellules individuelles. Cette force a prouvé lors des opérations extérieures qu’elle était capable d’une grande réactivité face à une situation parfois très instable (affrontements ethniques à Bangui) ainsi que d’une grande souplesse d’emploi, en couvrant un spectre de missions allant du maintien de l’ordre au renseignement humain, en passant par la formation des polices locales ou l’apport d’une compétence juridiques aux unités militaires. Elle s’insère ainsi parfaitement dans les dispositifs militaires, dont elle utilise les procédures et la chaîne de commandement. La mission Sentinelle montre combien cette interaction entre les différents services des forces de l’ordre est nécessaire. L’interopérabilité que pratique la Gendarmerie au quotidien à l’étranger pourrait faire consensus et aider à repenser nos doctrines d’emploi sur le territoire national.
Non-encore syndiqués, les gendarmes offrent une grande disponibilité. A ce jour, et suite à la décision de la CEDH d’octobre 2014, un seul syndicat de Gendarmerie – Gend XXI – a vu le jour le 2 janvier 2015. Son influence est limitée du fait de l’histoire des Armées, qui n’a jamais connu ce type d’organisation. De plus, les syndiqués ne peuvent pratiquer ni droits de grève ou de retrait, ni critique de l’action politique – à l’inverse des syndicats civils. L’interdiction de syndicats militaires avait même été rappelée par le législateur en 2005. Rappelons à cet effet que les gendarmes sont des militaires, à ce titre ils sont soumis à la loi portant statut général des militaires. La loi interdit l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical, ainsi que l’adhésion des militaires en activité de service à de tels groupements. Cette interdiction vise à garantir la neutralité des armées et à tenir les militaires en dehors des luttes politiques et sociales. En contrepartie, le chef de l’unité est expressément responsable du respect des intérêts de ses subordonnés ; ceux-ci ne doivent pas être amenés à formuler des revendications quelconques. Ce système assure jusqu’à ce jour un soutien sans faille de ce grand corps d’État à l’autorité régalienne. Cette fiabilité est garante du bon accomplissement des missions très variées confiées à la Gendarmerie Nationale.
Source : Revue de la gendarmerie nationale, septembre 2015, n°253.