Le fonds de garantie d’indemnisation des victimes : quel bilan pour l’année 2015-2016 ?
Le Fonds de garantie des victimes d’actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI), créé en 1990, a pour vocation d’indemniser les victimes d’actes de terrorisme comme celles des infractions de droit commun, d’aider les victimes à recouvrer les dommages et intérêts obtenus par décision de justice. Ce dispositif spécifique, qui vise à appuyer les victimes françaises ou étrangères d’actes survenus à compter du 1er janvier 1985[1], délivre sous trois mois (à partir de la reconnaissance du dommage), indemnités et assistance. Mission complémentaire, la délivrance de fonds pour couvrir les victimes des infractions est également mises en place par le FGTI. Afin de « lui faire prendre conscience de la teneur de ses actes » et de « lutter contre la récidive », ce Fonds se retourne contre l’auteur de l’infraction, lui réclamant le remboursement des indemnités versées à la victime. En 2015, ce sont 15 381 victimes qui se sont saisis du FGTI ; le Fonds a versé 271.8 millions d’euros d’indemnités et a recouvré près de 56.7 millions d’euros. Pourtant, le Fonds souligne que le recouvrement est complexe en regard de la mauvaise volonté des préemptés ou leur insolvabilité. Afin d’y remédier, le dispositif SARVI, permet de recouvrer soit sous forme d’avance puis dans le cadre d’un mandat les sommes dues.
- Indemniser les victimes du terrorisme
« Les années 2015 et 2016 resteront marquées par l’ampleur des attentats terroristes commis sur le sol national », remarque Pierre Delmas-Goyon. Se félicitant des dispositifs pris par le FGTI depuis près de 30 ans d’existence, le Président du Conseil d’Administration tente d’œuvrer en étroite collaboration avec les services de l’Etat, l’autorité judiciaire ou les associations, développant des dispositifs d’écoute et des prises en charge qu’elle juge adaptés. La structure s’associe également à des associations à portée locale, telle que Paris Aide aux victimes – qui accueille quotidiennement les victimes d’infractions pénales et d’actes de terrorisme[2].
Charlie Hebdo (7 au 9 janvier 2015) ; Villejuif (19 avril) ; Saint-Quentin-Fallavier (26 juin) ; Bataclan (13 novembre) : après la vague d’attentats sans précédents que la France a traversé en 2015, ce sont 151 personnes qui ont perdu la vie. Suite à ceux-là, le Fonds de Garantie a débloqué d’importantes mesures financières visant à indemniser les victimes, dont elle s’occupe au cas par cas. Ainsi, pour les attentats de janvier 2015, ce sont près de 5.2 millions d’euros qui ont été réglés aux 345 demandeurs. Contre 42.5 millions pour les attentats du 13 novembre 2015 (sur 2773 demandes reçues) et 7.63 millions pour ceux de Nice (pour 1860 demandes reçues).
Pourtant, les indemnisations débloquées pour les victimes des attentats ont fait l’objet de sévères remarques de la part des membres d’associations de soutien. « Pour le père qui a perdu son enfant, c’est 62 500 €. Pour le frère, 21 000 € », s’insurge Emmanuel Domenach, le vice-président de l’association « 13 novembre : fraternité et vérité », déplorant que les allocations ne soient pas assez élevées. Les victimes elles-mêmes n’ont pas tardé à parler de véritable maelstrom administratif quant aux démarches exigées par le FGTI. Le traitement au cas par cas n’a pas fini de susciter l’ire du Président de l’association, qui déclare que le « fonds décide de façon discrétionnaire, avec des différences de traitement insupportables ». Ça et là, on s’inquiète qu’au regard des attentats répétés, le Fonds ne soit plus en mesure de prendre en charge les prochaines indemnisations pour les victimes. Julien Recki, le nouveau président de l’officine conteste : « Je rappelle que nous avons 1,4 milliard dans nos réserves. Donc vraiment, aucune inquiétude» expliquait-il en septembre[3]. Le Fonds est alimenté par une taxe de 5.90 € ; prélevée sur les contrats d’assurance, la taxe pourrait, en cas de nouveaux attentats, être réévaluée. En attendant, les membres des associations insistent sur la nécessaire remise en question d’un système qu’ils estiment désormais inadapté. « Le système doit évoluer, on est passé d’une trentaine de victimes par an à plus de 2 000. Il n’est plus acceptable que le fonds décide seul, de cette façon », souligne encore le Président de l’Association 13 novembre. « L’évaluation des préjudices doit se faire sous le contrôle d’un juge, c’est la seule garantie d’un système équitable».
- Indemniser les victimes des infractions et des accidents
Le Fonds comporte également des volets visant à soutenir les victimes d’infractions. Ainsi, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) indemnise les victimes d’accidents intervenus à l’étranger (dommages immobiliers, accidents de la circulation,…) ou des dommages corporels et matériels ; ce chapitre a pris en charge 32 422 victimes (sur les 109 346 totale pris en charge par le FGAO et le FGTI). Elle a versé 124.3 millions d’euros aux victimes (contre 328.8 millions pour le FGTI).
En 2015, le FGAO a ouvert 32 422 dossiers, dont 23 320 dossiers matériels (107, 5 millions d’euros) et 9 093 dossiers corporels (pour 16.8 millions d’euros). Ses interventions doivent compléter la contribution de l’assurance à la réparation des dommages subis par les victimes. Forte de ce qu’il prône comme sa politique de responsabilité sociale, le conseil d’administration se targue d’être « résolument engagé dans la modernité et l’exemplarité sociétale ».
L’absence d’assurances de ces victimes et de ses auteurs constitue une des raisons d’être du fond, ce phénomène étant en perpétuelle augmentation – +40% depuis 2009. Pour le FGAO, entre 370 000 et 750 000 automobiles circulent sans assurance en France – soit 1 à 2% du parc automobile des particuliers. La plupart de ces cas se retrouvent chez des gens jeunes, avec 59% de non-assurés âgés de moins de 35 ans.
Les recours contre les auteurs des accidents constituent à la fois un « enjeu financier et moral » pour le FGAO. Avec des partenaires comme les huissiers de justice ou les sociétés d’enquêtes, l’enjeu moral vise à responsabiliser les coupables d’accident. Les sommes recouvrées au profit des victimes, enjeu financier majeur pour le Fonds, a augmenté par rapport à 2014, passant de 15.3 à 16.1 millions d’euros.
- Les ressources des fonds de garantie
Les deux fonds de garantie assurent ne recevoir aucun financement de l’Etat. Partagées entre ressources propres et ressources extérieures, ses ressources se révèlent issues de différents domaines, touchant tant celui des placements financiers que des contributions extérieures, des produits de liquidation ou des recours contre les auteurs.
Les plus francs apports à l’origine des ressources du Fonds de garantie sont issus des contributions assurés et des assureurs (437.7 millions d’euros), suivi des produits de placements financiers (133 millions d’euros), des recours contre les auteurs (84.4 millions d’euros) et des produits de liquidations (26.5 millions d’euros).
Conclusion
Salué par le gouvernement, ces deux fonds de garantie comportent pourtant des lacunes à palier. Car si concentrer le fruit des recours vers les victimes peut apparaître légitime, faire échoir d’office la somme à ces deux fonds de garantie soulève des questions. Le Sénat a d’ailleurs souligné les défaillances d’un tel système, insinuant qu’il serait plus raisonnable « qu’une partie des sommes auxquelles l’auteur du dommage est condamné puisse être versée, sur décision du juge, à un fonds d’indemnisation qu’il désigne[4] ». Définie par le juge, l’orientation de ces fonds pourrait ainsi mieux s’adapter à la nature du dommage réparé.
[1] Sur le territoire français ou pour les Français sur le territoire étranger.
[2] L’association PAV est née en 1987 ; elle accueille les victimes d’infractions pénales et d’actes de terrorisme. Le Fonds de Garantie travaille de plus en plus avec cette instance.
[3] Des victimes d’attentats dénoncent les méthodes du fonds d’indemnisation, 18.09.2016, Marie Piquemal.