Malgré une loi censée être particulièrement rigoureuse (loi de 1970 sur les stupéfiants), les Français adeptes du cannabis sont nombreux. 700 000 Français se révèlent fumeurs de cannabis ; 11% des 18-64 ans ont consommé du cannabis au moins une fois dans l’année[1]. A l’issu des primaires de la gauche, la question de la légalisation du cannabis est revenue sur le devant de la scène. Fin des trafics, comparaison avec les autres états pratiquant cette dépénalisation : la gauche porte ce nouveau combat à bout de bras…

Dépénalisation du cannabis : la gauche mobilisée

Ils étaient près de 150 personnalités marseillaises à demander, début janvier, la légalisation du cannabis. A la tête de cette tribune ? Des militants associatifs, magistrats, policiers et parlementaires essentiellement de gauche. Parmi ces derniers, Marie-Arlette Carlotti et Patrick Mennucci portent une pétition, qui recueillait près de 2 000 signatures le 10 janvier et réclame la « légalisation contrôlée de la production, de la vente et de la consommation » de cannabis. L’enjeu ? Arrêter les règlements de comptes liés au cannabis dans la cité phocéenne.

A l’issu des débats des candidats à la primaire de la gauche, les partisans de cette dépénalisation ont été majoritaires. Quatre candidats sur sept se sont en effet prononcés en faveur de la modification de la loi. Si Jean-Luc Bennahmias s’est particulièrement fait remarquer en soulignant qu’il en avait déjà fait l’usage, c’est surtout vers le vainqueur de la primaire que se tourne le regard, au seuil du second tour. Pour Benoît Hamon, la légalisation permettra de « tarir l’économie souterraine et les violences » (émission politique, France 2, 8.12.2016). Et le vainqueur des primaires de proposer la légalisation et d’utiliser « les 568 millions d’euros annuels utilisés pour la répression à des fins de prévention et d’information sur les risques associés à cette consommation [2]»….Aucun doute pour Hamon : cette réorientation budgétaire constituerait un véritable obstacle contre les trafics et les économies parallèles… « Si on veut ramener la République, il faut en passer par là », conclura-t-il à l’antenne de la Radio.

« Je légaliserai le cannabis et j’encadrerai sa distribution. […] [Je souhaite] tuer les trafics à la source et protéger nos citoyens des pratiques des dealers. Plus que jamais, la prévention doit être au cœur de notre politique de santé publique. Nous devons investir tous les relais possibles pour faire connaître à la population les risques associés à la consommation de drogues ». Derrière le discours de Benoît Hamon, se présente une mesure phare du programme d’un candidat qui sera peut-être à la tête de la gauche de demain…

L’échec de la France dans sa lutte contre le cannabis

En tout et pour tout, près de 5 millions d’usagers du cannabis – au moins une fois par an- sont décomptés au Baromètre Santé (2010-2014). Avec 120000 gardes-à-vie par an pénalisant son usage – soit moins de 2,5 % de répression sur tous les consommateurs,[3] la loi paraît donc peu répressive à l’égard de ces usagers. Une absence de sanction qui explique le taux de croissance de son usage (multiplié par quatre) de 1992 à 2014. Selon Xavier Raufer, la France apparaît comme un mauvais élève sur la question du cannabis « car c’est le seul pays où elles “explosent” ; ailleurs en Europe, l’usage des drogues stagne ou baisse. Exemple, celui de l’Angleterre (principal marché d’Europe pour les stupéfiants) : de 2008 à 2013, les saisies (douanes et police) s’y effondrent de – 25 %, le Home Office britannique y voyant “une rétractation objective du marché ».

Interrogé au détour d’une commission d’enquête du Sénat[4], le criminologue statut que la légalisation du cannabis ne permettrait en rien de tarir les économies parallèles. A propos de son argumentation sur l’augmentation des braquages observée en Espagne dans les années 1980 à la suite de la dépénalisation de l’usage de drogues, le criminologue pointait l’un des écueils de cette mesure. « Si vous mettez du cannabis sur le marché, les gens vont se dire qu’ils vont pouvoir acheter du cannabis à la SEITA et des joints officiels ou semi-officiels », a-t-il expliqué à la commission. « A partir de ce moment-là, les trafiquants peuvent mettre sur le marché, et même donner, dans un premier temps (ils l’ont fait quand il a fallu passer de la cocaïne à l’héroïne) du black bombay, par exemple, qui est de la résine de cannabis mélangée avec de l’opium. (…). Si on le mélange avec du tabac, cela produit un effet mille fois plus fort. Je pense donc que si l’on se lance dans cette voie, on risque d’entrer dans une partie de bras de fer et une compétition avec des gens qui sont naturellement dépourvus de tout scrupule. C’est le danger. »

Le constat est partagé par Serge Lebigotqui remarque que la composition du cannabis s’est modifiée, depuis quelques années. « Le cannabis qui avait cours il y a trente ans n’est plus le même aujourd’hui. A l’heure actuelle, on trouve différente sortes de cannabis, en particulier le skunk ou même l’aya, qui tournent à 35 % de THC. C’est pratiquement de la drogue dure », explique le président de l’Association France sans drogue. Et ce dernier de pointer justement que l’Etat se ferait donc le garant du contrôle de drogues extrêmement fortes… En somme, ouvrir le marché au cannabis engendrerait la circulation de produits encore plus dangereux pour ses consommateurs.

La dépénalisation d’un produit n’empêcherait en aucun cas les trafiquants d’ouvrir le marché à d’autres types de drogues (crack,…). Par ailleurs, le cannabis légalisé la nécessité pour les trafiquants de trouver de nouvelles sources de revenus. Comme le soulignait la commission d’enquête, « la légalisation ne priverait pas les sociétés criminelles des profits déjà accumulés ». Et les différents trafics qu’ils pourraient mener pour compenser de façon leur activité pourraient s’avérer dévastatrices – le Sénat évoque ainsi la pédo-pornographie, la contrefaçon, le trafic d’organes, voire des braquages. Pour le même Xavier Raufer, l’augmentation des braquages en Ile-de-France de ces dernières années résulterait de la dépénalisation de fait de l’usage de drogues en France.

Conclusion

Loin de ce qu’assure la Fondation Terra Nova[5], réguler le marché du cannabis se permettrait en rien de « sortir de l’impasse » des trafics. Au contraire, cela validerait le trafic international, déjà chiffré à des milliards de dollars. En effet, comme le souligne Michel Bouchet, chef de la MILAD, « si vous avez le droit de consommer, c’est que vous avez le droit d’acheter quelque part, et c’est donc que quelqu’un a le droit de vendre. » Et une telle légalisation empêcherait aux institutions judiciaire de mener des investigations en matière de trafic…. « En cas de légalisation, tout ce champ serait en dehors de l’investigation policière et judiciaire », avaient indiqué Yves Bot et Bernard Petit, respectivement procureur de Paris et chef de l’OCRTIS à la commission du Sénat. Des remarques que les candidats de la gauche feraient bien d’écouter avec attention…

[1] Le Monde, Cannabis : Hamon pour la légalisation, Valls pour l’interdiction, 24.01.2017.

[2] France Info, 10.10.16.

[3] Xavier Raufer La France, mauvaise élève de la lutte contre le cannabis, mars 2015.

[4] http://www.senat.fr/rap/r02-321-1/r02-321-181.html

[5] http://tnova.fr/etudes/cannabis-reguler-le-marche-pour-sortir-de-l-impasse

aloysia biessy