Principe de précaution : l’immobilisme constitutionnalisé
L’UMP souhaite remettre en cause le principe de précaution inscrit dans la Constitution par Jacques Chirac en 2005, pour le remplacer par un principe d’innovation responsable. Une proposition de loi sera débattue ce jeudi 4 décembre à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas la première fois qu’Éric Woerth et certains de ses collègues s’attaquent au principe de précaution. En juin dernier, le député de l’Oise avait déjà déposé une proposition de loi visant à retirer ce principe du bloc de constitutionnalité. De même, en juillet 2013, il avait déjà soumis une proposition de loi visant à ôter au principe de précaution sa portée constitutionnelle.
En mai, le Sénat également a adopté en première lecture une proposition de loi, déposée par le sénateur UMP Jean Bizet (Manche), visant à inscrire un principe d’innovation au même niveau que le principe de précaution, pour que ce dernier ne soit plus un frein, mais un levier à l’innovation et au progrès technologique.
Les effets pervers de ce principe
En février 2005, le Parlement, réuni en Congrès, a inscrit dans la Constitution la Charte de l’environnement, installant par là même le principe de précaution (art. 5) au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes juridiques :
« Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Le but, louable, du principe de précaution était de rendre le monde plus sûr en limitant les risques éventuels des nouvelles techniques. C’est un échec. Il a diminué le sentiment de sécurité et accru la méfiance envers la modernité. Les réticences envers la science ont conduit à privilégier les émotions sur la raison, les regrets du passé sur la préparation de l’avenir et à susciter de l’angoisse.
Ce principe néfaste fait croire à la France que les innovations sont dangereuses et que la science et le progrès sont des jeux d’apprentis sorciers. Résultat : elle est inquiète. Elle se complaît dans le catastrophisme et l’audace effraie. Ne rien faire évite le risque d’être jugé par un tribunal et de s’entendre dire : « avez-vous pris toutes les précautions nécessaires ? »
Sans même s’en rendre compte les Français deviennent passéistes. Plus dangereux encore, cette nostalgie d’un passé mythifié a instillé la peur d’un futur qu’on redoute au lieu de le préparer. Les jeunes Français rêvent de bénéficier d’un cocon protecteur. Certains d’entre eux ont une mentalité d’assistés et attendent tout de l’État-providence au lieu de prendre des initiatives (donc des risques) et d’accepter des responsabilités. L’essor de l’Europe au XIXe siècle a été fondé sur l’esprit d’entreprise. Le principe de précaution a donné aujourd’hui le primat à la peur sur la volonté de comprendre et d’agir.
Le rôle de l’Etat à redéfinir
L’État devrait soutenir ceux qui ont le courage d’entreprendre et de s’opposer aux mensonges, au lieu de participer à cette paralysie généralisée à laquelle contribuent des agences officielles telles que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans le domaine de l’énergie. De manière générale, les médias présentent une vision lugubre des nouvelles technologies qui seraient porteuses de risques et de menaces. Il faudrait donc rester vigilant face à ses périls. Faire peur améliore certainement l’audimat mais ne pas présenter les avantages de la science dévoie l’image du progrès et fragilise l’avenir de notre société.
Le principe de précaution était initialement une idée noble, il faut qu’il le redevienne. Il devrait être une école de prudence mobilisant, en cas de besoin, l’outil scientifique pour prescrire des mesures adaptées en fonction de l’évolution des connaissances. Il ne devrait pas constituer un frein au progrès et à l’innovation, mais au contraire l’encourager.