La proposition de loi «relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant» sera examinée lundi 19 mai 2014 à l’Assemblée nationale. Ce projet prend naturellement compte de l’intérêt de l’enfant dans une question familiale, mais il omet de parler de l’intérêt supérieur de l’enfant, tel qu’il est évoqué dans diverses conventions et juridictions internationales, européennes et françaises.

Cet intérêt supérieur de l’enfant est régulièrement abordé, mais jamais défini. Il s’agit de le voir, selon le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, comme un principe général, dépourvu de définition, qui doit guider les normes, les politiques, les actions et les décisions des autorités. Cet intérêt supérieur varie et doit s’adapter à chaque situation, contexte ou environnement. Les gouvernements doivent faire de ce principe une «considération première».

Récemment, l’article 4 de la loi organique 2011-333 du 29 mars 2001, relative au Défenseur des droits, lui a donné pour mission de « défendre et de promouvoir non seulement les droits de l’enfant, consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France », mais aussi son intérêt supérieur. Si c’est une nouveauté juridique importante, cet intérêt supérieur de l’enfant est pourtant consacré par des conventions internationales depuis des années, ratifiées pour certaines par la France. Omettre cet intérêt supérieur dans un texte qui influera directement sur l’enfant est dommageable.

Les conventions internationales

·Dès 1959, la Déclaration des droits de l’enfant, adoptée par l’Organisation des Nations unies, consacrait cette notion de l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutefois, ce texte était non contraignant.

·En 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), texte juridique contraignant ratifié par la France, énonce dans son article 3§1 que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». De nombreux autres articles y font référence (séparation de l’enfant de sa famille, responsabilité parentale, adoption).

·En 1996, la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant, ratifiée par la France le 1 août 2007, fait référence à l’intérêt supérieur de l’enfant à sept reprises.

·En 2000, la Chartre des droits fondamentaux de l’Union européenne énonce dans son article 24§2 que « dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

·

Dans la loi française, si l’intérêt de l’enfant est abordé, on retrouve peu l’intérêt supérieur de l’enfant, à l’exception de l’article L 221-1 du Code de l’action sociale et des familles, précisant que l’une des missions du service de l’Aide sociale à l’enfance est de « veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec d’autres personnes que ses parents soient maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur ». Cet intérêt supérieur est toutefois bien présent dans les juridictions françaises et européennes.

Les juridictions

·En 2005, en France, la Cour de cassation a opéré un important revirement. Elle a admis que l’article 3§1 de la CIDE, relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant, était «d’application directe devant les tribunaux français». La Cour de cassation n’hésite désormais plus à désapprouver la décision du juge, pour défaut de base légale, quand celle-ci n’est pas fondée sur  l’intérêt supérieur de l’enfant et n’est pas motivée par des éléments concrets.

·Le Conseil d’Etat, dans le cadre des mesures d’éloignement des étrangers ou du regroupement familial, a annulé des décisions individuelles qui éloignaient l’enfant de son père ou de sa mère. Il a considéré que «l’intérêt de l’enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui est titulaire à son égard de l’autorité parentale». Pour le Conseil, l’intérêt supérieur de l’enfant permet d’évincer une disposition générale, lorsque sa mise en œuvre est contraire à l’intérêt de l’enfant.

· La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a intégré la CIDE et la notion d’intérêt supérieur de l’enfant dans sa jurisprudence, qui concerne le droit de la famille et les droits de l’enfant. La Cour vérifie si les juridictions internes ont bien pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

La notion d’intérêt supérieur de l’enfant est bien présente, même si peu définie, dans les conventions internationales, les juridictions et la loi européennes et françaises. La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant face aux conséquences d’une décision doit toujours être prise en compte. La proposition de loi sur l’autorité parentale occulte cette dimension en ne parlant que d’«intérêt de l’enfant». Nous préconisons donc l’abandon de ce projet.

France Renaissance

L'Institut Renaissance est un centre d'étude et d'action politique, indépendant de tout parti politique. Il est attaché à la défense des libertés, de l'identité française, du principe de subsidiarité, et des droits humains inaliénables.