Le projet de loi avenir pour l’agriculture et la colère des agriculteurs
Le projet de loi avenir pour l’agriculture l’alimentation et la forêt revient dans les prochaines semaines en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Devançant et dépassant la demande de Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, qui voulait interdire la pulvérisation de produits phytosanitaires à moins de 200 mètres des écoles, le Sénat a adopté le 16 avril, dans l’article 23 du projet de loi, la définition d’une zone d’interdiction de toute intervention phytosanitaire à moins de 200 mètres de toutes zones d’habitation ou de lieux publics. Les agriculteurs s’insurgent d’une quelconque « restriction arbitraire » de leurs surfaces agricoles, dénoncent un risque économique et un risque sécuritaire si cette mesure et appliquée et s’indignent de la mise en question de leur responsabilité et de leur respect envers leur voisin. Une manifestation est prévue à Paris la semaine prochaine pour le « retrait pur et simple » de cette mesure du projet de loi.
Une mesure inutile
La demande de Ségolène Royal et son instrumentalisation sont apparues par réaction à l’actualité et non en toute réflexion. En effet en mai dernier une vingtaine d’enfants et une enseignante d’une école primaire de Gironde avaient été pris de malaises après l’épandage d’un fongicide sur des vignes situées à proximité de l’établissement. La préfecture du département toutefois a relevé une utilisation du produit dans des « conditions inappropriées ». Ce n’est donc pas l’utilisation théorique de ces fongicides qui doit être mise en cause mais la manière dont le viticulteur les a utilisé, sortant des règles préalablement établies.
L’utilisation des produits phytosanitaires est habituellement adaptée et respectueuse du voisinage. La réglementation en vigueur (respect des périodes de traitement, pas d’intervention au-delà d’une vitesse du vent supérieur à 3 Beaufort (20km/h)) et la technologie qu’utilise les exploitants agricoles (buses anti dérives) lors des interventions phytosanitaires, assurent la sécurité de l’utilisateur mais aussi de l’environnement. Dans le cas de cette école, la traite des parcelles en dehors des heures de récréation ou la mise en place de haies brise-vent sont des solutions pouvant être envisagées.
La création de ces zones tampons de 200 mètres n’a aucune utilité si les conditions de sécurité primaires ne sont pas respectées. Si l’épandage se fait sous le vent, les 200 mètres ne suffiront pas, s’il se fait sans vent cette zone tampon est inutile. Le simple respect de la réglementation en vigueur évite ces problèmes. En aucun cas cette mesure terrible pour les agriculteurs ne le fera.
Une mesure économiquement néfaste
Cette mesure serait un choc pour les agriculteurs. L’interdiction de cultiver leurs terres à moins de 200 mètres de toute habitation entrainerait un manque à gagner considérable pour eux, pour la région et pour l’économie française. Pour la seule Ile de France cette mesure va concerner 100 000 hectares de surface agricole, soit 25 % des terres cultivables. Elle touchera toute forme d’agriculture, aussi bien biologique que raisonnée ou intensive, et même les jardins et potagers.
En Ile de France c’est une grande partie de l’économie agricole régionale qui va être sacrifiée, presque 100% pour les producteurs spécialisés en maraichages qui cultivent au plus près des villes et villages. Ils sont de grands employeurs de main d’œuvre, et ce choc économique entrainera la mise au chômage de nombreux salariés. Pour l’activité agricole francilienne, la perte économique serait de plus de 250 millions d’euros (sur 1,2 milliards de chiffre d’affaire), sans tenir compte de l’impact sur les filières en amont et en aval du secteur agricole. Cela développé à toutes les régions françaises serait une catastrophe.
Une mesure sécuritairement dangereuse
Cette mesure va entrainer l’impossibilité de cultiver ces bandes de terres et leur abandon, créant des risques importants.
Pour l’environnement, ces terres vouées à la jachère risquent d’être abandonnées et devenir des friches. Ces dernières deviendront des foyers de maladies, de ravageurs et d’herbes nuisibles. La volonté de combattre un risque sanitaire va en entrainer un autre.
Mais cette mesure entrainera des risques pour la société. Les terrains non cultivés et abandonnés autour des villages risquent d’être envahis rapidement par des intrusions illicites. L’installation sauvage de nouveaux voisins ne sera une sécurité ni pour l’environnement, ni pour les habitants des villages alentours.
Cette mesure introduite dans un souci sécuritaire va entrainer des conséquences désastreuses pour l’environnement et la sécurité des habitants qu’elle est censée protéger. Cela va entrainer une perte économique considérable en France pour des agriculteurs et une filière qui souffrent déjà énormément. Cette mesure en plus d’être dangereuse est inutile, il suffirait de faire respecter la réglementation en vigueur. La mobilisation des agriculteurs se met en marche à un moment où le gouvernement ne peut se permettre un nouveau front.