La Justice et le gouvernement Valls
Manuel Valls l’avait annoncé lors de son discours de politique générale du 8 avril 2014 : « notre société est traversée par la violence » et la délinquance.
Partant de « la menace terroriste qui s’est globalisée et qui pèse sur nos démocraties », il admet surtout la multiplication des violences au quotidien, ce qui n’est pas un phénomène nouveau, car « les atteintes aux personnes sont en progression continue depuis plus de trente ans ». De son aveu même, le caractère inédit du phénomène « est que la délinquance se déplace vers des territoires – je pense aux villes moyennes, aux villages – qui, jusqu’à présent, avaient le sentiment d’être épargnés. Nos quartiers populaires sont gangrénés par ce fléau que sont les trafics de drogue. Ils abîment une part de notre jeunesse et, pour fructifier, tentent d’imposer un autre ordre que celui de la République ». Il admet également la montée d’un sentiment d’insécurité dû à la hausse des cambriolages. Enfin le Premier ministre relève « toutes ces incivilités, ces défis, ces bravades, contestant l’autorité et qui pourrissent la vie des gens [ce qui] joue sur le moral de nos concitoyens. » Faisant un bilan objectif de la situation, l’ancien ministre de l’Intérieur conclut le sujet en déclarant : « La vérité, la voilà ! Le pire serait de fermer les yeux. »
Si le diagnostic présenté par Manuel Valls était réaliste et appréciable, les « soins » appliqués par le gouvernement « Valls 1 » et notamment le ministère de la Justice avec l’adoption de la nouvelle réforme pénale est incompréhensible et aura comme conséquence l’aggravation de cette insécurité et de cette violence en France.
Le bilan de la délinquance en France
Ce bilan fait au travers du rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) au sujet de la criminalité en France en 2013 est effrayant.
- Les vols et tentatives de vols liés aux résidences des ménages. Ces actes connaissent une augmentation record avec 3,8% des ménages touchés en 2012. On passe de 780 000 à 1 050 000 vols et tentatives de vols entre 2008 et 2012. Ces vols seraient principalement des vols de métaux et de bijoux et sont commis de plus en plus dans le cadre d’une criminalité transnationale organisée.
- Les vols et tentatives de vols ou acte de vandalisme liés aux véhicules. Ces atteintes sont passée de 3,8 % des ménages en 2009 à 6,4 % en 2012, soit de 2,1 millions d’actes à 1,8 millions d’actes estimés. Ces actes sont toujours en nombre impressionnant et de nombreuses voix critiquent le système d’enregistrement des plaintes, visant à faire diminuer artificiellement le bilan négatif.
- Les violences physiques. En 2012, 1,4 % des personnes de 14 ans et plus ont déclaré avoir été victimes de violences physiques »hors ménage « , (hors du cadre du logement). Sur près de 51,3 millions de personnes de 14 ans et plus, on estime le nombre de « victimes déclarées » à 710 000. En 2008, 18,1% des personnes de 14 ans et plus déclaraient qu’il leur arrivait de se sentir personnellement en insécurité dans leur quartier ou leur village. En 2013, ce sont plus de 22 % de ces personnes qui le déclarent.
- Les vols à main armée sur les personnes morales du secteur marchand. En 2012, 5017 vols à main armée ont eu lieu, dont 63% contre des « personnes morales du secteur marchand. » Ce sont des attaques contre les commerces de proximité principalement, 60%.
La stratégie de prévention de la délinquance, mise en place par Jean-Marc Ayrault, est un échec. Les vols, agressions et homicides sont considérablement élevés dans un Etat qui peine à faire respecter son autorité.
Le statut de la victime
Le sentiment d’insécurité est aggravé par un sentiment d’impunité des agresseurs. La victime et l’accusé ne sont bien souvent pas égaux devant la Justice. La victime est placée en retrait et ne peut par exemple pas faire appel. Sa place et son statut doivent être reconnus par l’institution judiciaire. Son avis devrait par exemple être intégré dans la procédure judiciaire.
Le nombre de places de prisons
Fin 2012, 99600 peines de prison étaient en attente d’application. L’Institut pour la Justice estime qu’il faudrait construire rapidement de 20 000 à 30 000 places. Christiane Taubira a promis la construction de seulement 6600 places de prison, alors même que l’état de notre système pénitentiaire est régulièrement pointé du doigt.
Plutôt que d’augmenter les places de prisons, les différents gouvernements ont préféré établir la prison comme ultime recours (Nicolas Sarkozy en 2007). Désormais avec la réforme Taubira ce sont les notions de peine indolore, de délinquant devenant acteur de sa peine ou encore de comblement du fossé entre le délinquant et son agresseur qui sont introduites.
L’importance de la notion d’autorité dans la société.
Christiane Taubira part du principe que « la sévérité ne réduit pas la récidive ». Or nous l’avons vu depuis la réforme de 2009, toujours plus de mansuétude ne fait pas diminuer l’insécurité, bien au contraire.
Dans une société où de nombreux parents ont failli à leur devoir d’autorité vis-à-vis de leurs enfants, l’institution judiciaire ne peut faillir au sien. L’autorité judiciaire est le pilier de la démocratie et de la cohésion sociale, nous ne pouvons pas prendre le risque de l’affaiblir en favorisant la sortie de criminels n’ayant pas fait d’effort de réinsertion. L’aménagement des peines et la prison comme ultime recours ne permet pas de leçon. Le message de laxisme de la Justice serait préjudiciable.
La théologie de la libération par Christiane Taubira
Loin de combattre le bilan dressé par Manuel Valls, son gouvernement a contribué à la mise en place de la réforme pénale, portée par Christiane Taubira.
Ce texte néglige la complexité procédurale des peines alternatives à l’incarcération. L’application concrète des dispositions est impossible. Ainsi les personnes portant un bracelet électronique ne peuvent plus être effectivement surveillées, car les bureaux de gestion sont débordés en fin de semaine, les condamnés obtenant des permissions du vendredi au lundi soir dans les faits. Ce dispositif est pourtant favorisé actuellement.
Un processus obligatoire de sorties encadrées à deux tiers de la peine a été adopté. La libération plutôt que l’exécution de la peine est ici clairement encouragée. 80% des condamnations prononcées par la Justice concernent les délits sujets à un emprisonnement de moins de cinq ans. La population délinquante va être le plus souvent amenée à ne pas effectuer sa peine, pour plutôt accéder à des procédures de contraintes pénales. C’est pourtant cette population qui est la plus concernée par la montée du sentiment d’insécurité.
Bien loin de ses promesses « d’ouverture des yeux » le Premier ministre a laissé adopter une réforme qui ne va qu’aggraver le bilan qu’il avait dressé de l’insécurité, de la violence et de la délinquance en France. Il avait pourtant lui-même, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, souligné les incohérences techniques, les faiblesses et les risques de cette réforme. Il est inquiétant de constater un revirement manifeste qui n’a fait qu’amplifier le bilan catastrophique qu’il avait déjà dressé.